Au-delà de la confusion et de l'instabilité politique qui régnèrent durant la période Muromachi (1336-1573) avec une violence banalisée et des guerres quasi continuelles, comme celle d'Ônin (1467-1477) qui ravagea Kyôto et mit l’industrie et les productions familiales en déclin, ces années furent également témoin d'un moment de formidable bouleversement social et économique.
Les tendances des 12e et 13e siècles se confirmèrent avec la hausse de la production et des échanges, un commerce international florissant, une amélioration du niveau de vie moyen, un essor des techniques artisanales, bancaires, agraires, une urbanisation et surtout la naissance de nouvelles formes culturelles comme les cultures Kitayama et Higashiyama qui sont à l'origine de la civilisation japonaise moderne.
Au niveau de la vie quotidienne, notons les changements dans les manières de parler et de s'habiller, dans la cuisine et l'architecture intérieure. Une nouvelle sensibilité semble se mettre en place et l'on voit se développer un intérêt pour l'art des fleurs, du thé, des jardins, les peintures à l'encre, la poésie, l'art théâtral avec le théâtre nô.
En 1392, le régime shôgunal des Ashikaga paraît s'affirmer sur le pays entier mais en réalité le régime ne contrôlait les provinces que par l'intermédiaire de puissants gouverneurs.
Suite à cet affaiblissement du bakufu, ce sont les grands monastères et quelques grands gouverneurs militaires qui assurèrent une part grandissante du traffic avec la Chine avec l'importation massive d'ouvrages littéraires, de peintures, de pièces de monnaie, de porcelaines, de soie grège, de tissus (brocarts ornés de motifs tissés d'or et d'argent, gaze de soie), de produits médicinaux… qui contribuèrent au développement de la culture japonaise.
Côté mode vestimentaire, dès la fin du 15e siècle, le kosode devint le vêtement porté par toutes les classes de la société, hommes et femmes confondus.
La culture de Muromachi a pour noyau la culture des guerriers, elle-même issue de la culture de cour. À Muromachi (Kyôto), les guerriers sont amenés à côtoyer la noblesse de cour et à subir son influence dans tous les domaines. Une autre caractéristique de cette période fut la forte influence qu'exerça l'e courant zen, protégé par les shôgun.
Ci-contre, un portrait du13e shôgun Ashikaga Yoshiteru (1536-1565) qui porte un kosode à motifs en damiers (dangawari) et un hitatare en soie d'été transparent. Le bord vert clair de sa tunique de dessous (shitagi) est visible au niveau du col. Le type de coiffe eboshi s'accorde avec le hitatare. À cette époque, selon le code vestimentaire en vigueur, il était accepté de poser pieds nus.
Vers le milieu de la période de Heian, les costumes de cour furent officialisés et transmis dans le cadre de la fonction publique et militaire. De nouveaux codes vestimentaires furent décidés et établis au milieu de la période Muromachi.
Les guerriers bushi de haut rang étaient exceptionnellement amenés à porter des tenues réservées aux nobles comme le sokutai ou le kariginu mais toujours fidèles à leur éthique guerrière, ils continuèrent à porter le hitatare, considéré comme l'équivalent du nôshi des fonctionnaires. Il était alors en soie damassée orné de 5 kikutoji (oeillet façonné en forme de chrysanthème) qui retenaient solidement les cordons sur les manches et sur le dos.
Les guerriers de haut rang adoptèrent le style vestimentaire de la noblesse et réciproquement, les nobles se mirent eux-aussi à imiter les tenues des guerriers notamment le hitatare qui devint mieux considéré que le kariginu. Les tenues des guerriers et des nobles se différenciaient toutefois par de petits détails.
Cette tendance a ensuite été intégrée dans le système vestimentaire du shôgunat d'Edo où le hitatare devint l'habit des grandes cérémonies porté par le shôgun et les daimyô. À l'emplacement des kikutoji, on apposa le blason familial kamon.
Portrait de Momonoi Naoakira, peint par Tosa Mitsunobu, seconde moitié du 15e siècle.
Momonoi est considéré comme étant à l'origine des kôwakamai, un style de danse accompagnée de chants récitatifs, populaire au cours de la moitié de l'époque de Muromachi et de l'époque de Momoyama. Il porte ici un eboshi plié de cérémonie, un hitatare bleu avec des motifs auspicieux de tortues et grues tenant une branche de pin dans leur bec.
Portrait de Môri Motonari.
Pendant cette période, un autre habit se généralisa au sein de la classe guerrière, le daimon qui arborait des kamon de taille exagérément agrandie à des emplacements dictés par des règles strictes. Ici, ce daimon aux armes de la famille, comporte 9 kamon regroupés. Les différents cordons sont identiques à ceux du hitatare.
Le konôshi combine la simplicité de la robe de chasse kariginu avec le besoin de formalité. Il était aussi appelé kariginu-nôshi ou uran-kariginu (kariginu muni de la pièce transversale de tissu ran, rajoutée en bas). Très pratique, il était déjà utilisé à l'époque de Heian et de Kamakura par la noblesse mais de manière générale, l'empereur, les princes, les ministres, les généraux et les personnes de rang supérieur ne portaient pas le konôshi.
À partir de la période de Muromachi, la forme de la coiffe eboshi a changé et elle est désormais laquée en noir et maintenue par des cordons (kake) de couleurs différentes. Le hakama (sashinuki) était en général bleu indigo clair au-delà de 40 ans et la couleur s'éclaircissait en fonction de l'âge, si bien qu'après avoir dépassé 70 ans, il était blanc.
À l'origine, le suô était un vêtement de chanvre sans emblème (kamon), porté en temps ordinaire par les guerriers de rang inférieur. Sa forme était identique à celle du hitatare réservé aux grandes familles de guerriers. Les premiers suô se composaient de deux parties faites dans le même tissu: un hakama et une veste. Aucune règle particulière ne régissait le choix de la couleur ou des motifs. À partir de l'époque de Muromachi, on prit l'habitude d'y apposer les emblèmes de la famille (kamon): en général, cinq sur la veste et deux puis quatre sur le hakama. Jusqu'à l'époque de Azuchi-Momoyama, le haut et le bas ont toujours été dans la même étoffe et de la même couleur. Des cordons devant sur la poitrine (munahimo) et des sortes d'oeillets décoratifs en forme de chrysanthèmes (kikutoji) retenaient l'ensemble. Ces liens étaient tressés ou faits de peau de daim.
À gauche, le suô-kobakama (hakama court) est porté sur deux robes superposées dont les couleurs étaient choisies librement. Les cordons de fermeture sont en cuir violet.
Le hitatare de couleur claire est porté sur deux robes blanches (uchiginu) superposées. Comme pour le suô, les cordons de fermeture de la poitrine (munahimo) ainsi que ceux qui traversent les kamon sont en cuir. Le hakama du dessous, de type ôguchi est blanc.
Assistants de chasse, chargé des arcs et flèches (à gauche) et des chiens (à droite).
L'un porte un hikishiki en fourrure (ours, singe…) qui protège le bas du dos. Les couleurs des robes du dessous (uchiginu) que l'on aperçoit au niveau de l'encolure et des fentes du hakama ne sont pas imposées.
Le jittoku (ou ko-suô) était une forme simplifiée du suô à couture latérale de la période de Muromachi. Il était utilisé conjointement avec le yonobakama (hakama à 4 pans), et était porté par les serviteurs du shôgun mais aussi par les érudits confucéens, les médecins, les artistes de haikai et les peintres de la période d'Edo.
"Une écurie", paire de paravents à 6 panneaux, époque Muromachi, 16e siècle.
Les guerriers éprouvaient pour leurs chevaux une affection particulière et une grande fierté. Les écuries étaient aussi des centres sociaux et des lieux de divertissement bâtis majestueusement et conservés très propres. Ici, des guerriers font une partie de dés (sugoroku).
Le deuxième personnage de gauche porte un suô qui est la tenue quotidienne des bushi et un eboshi replié de forme particulière (orieboshi). La particularité du suô se situe dans la ceinture qui est du même tissu (lin), mais pour des occasions très informelles, le haut et le bas pouvaient être différents (l'équivalent actuel d'une veste et d'un pantalon).
La tenue kataginu-bakama était composée d'un haut sans manche assorti d'un hakama et portée par dessus un kosode. Cette forme simplifiée du suô fit fureur. Dans un document de 1482, il était précisé que cette tenue était réservée aux jeunes gens jusqu'à l'âge de 14-15 ans (mais la règle ne fut pas toujours appliquée). Fin Muromachi, elle fut communément portée par les guerriers plus âgés pour finalement devenir un habit formel au cours de période suivante de Momoyama.
Le personnage de gauche qui s'apprête à servir du sake aux convives porte un kataginu-bakama mais ici le hakama est particulièrement long (naga-bakama).
酒飯論 (Shuhanron), "Banquet", rouleau peint (vers 1550).
Partie de go et moment de détente pour ces guerriers. Le personnage agenouillé porte un kataginu-bakama.
"Une écurie", paire de paravents à 6 panneaux, époque Muromachi, 16e siècle.
Les portraits de guerriers en kataginu-bakama seront en vogue jusqu'aux années Momoyama. À cette époque, se présenter devant quelqu'un tête nue était d'une grande impolitesse. Au cours des années Muromachi, une mode qui consistait à sortir sans coiffe ni eboshi, le haut du crâne rasé (sakayuki) se répandit.
Dans un rouleau peint de 1524, on remarque deux jeunes hommes qui ont adopté une des modes étranges de l'époque: haut du crâne rasé et kataginu-bakama de style katami-gawari, c'est à dire que les motifs et les couleurs sont différents de chaque côté.
À l'origine, seuls les fonctionnaires sans rang et les gens du commun portaient le suikan (en toile de chanvre) mais à partir de l'époque de Kamakura, il fut communément utilisé par les nobles et les guerriers. À gauche, le haut et le hakama sont de couleur identique. Le col est arrondi et le uchiginu du dessous est visible au niveau des ouvertures (voir Kamakura pour plus de détails). À droite, une tenue appropriée pour la pratique du tir à l'arc. Le kuzu-hakama est en fibres de kuzu (arrowroot). Deux robes uchiginu se superposent sous le suikan et l'encolure en V descend assez bas. Les cordons qui retiennent le eboshi étaient parfois en crin de cheval.
Guerrier en armure hara-maki, une version simplifiée du dômaru. À l'origine, elle se fermait au milieu du dos, le laissant ainsi mal protégé. Quelques améliorations plus tard, une version plus protectrice fut créée avec l'ajout d'une sorte de dorsale appelée se-ita ou okubyô-ita (planche de la timidité). Le bas de l'amure (kusazuri) comportait 7 tassettes distinctes. Les armures de ce type qui nous sont parvenues datent toutes de la fin du 14e siècle. Les bras sont protégés par des gantelets kote et le bas des jambes par des jambières recouvertes à l'avant de protections métalliques sune-ate. Les pieds sont à peine protégés par des tabi en cuir et des sandales de paille ashinaka. Le sabre tachi est recouvert d'un fourreau en cuir. À cette époque, les guerriers pouvaient aussi porter des protections fixées sur le haut des jambes haidate.
Ce fantassin de rang inférieur porte une armure légère nommée hara-ate qui ne lui protège que le haut du ventre. Sa tenue est simple: une coiffe samurai-eboshi, une veste aux manches étroites (tebosu), une sorte de hakama court aux jambes étroites (yonobakama), des jambières et des sandales de paille ashinaka. Un sabre uchigatana est suspendu sur sa hanche et à la main, il tient une hallebarde nagitana.
Ces hommes de pied recrutés dans les couches populaires, armés de longues piques vont jambes nues pour pouvoir courir facilement. Soldatesque de gens déracinés, anciens paysans ou voyous venus dans l'espoir de butin, enrôlés de force, ils réquisitionnent bétail et vivres, pillent et brûlent maisons et temples.
Le dôfuku est une veste mi-longue portée par les guerriers de haut-rang par dessus leurs vêtements ou leur armure, de la fin de la période de Muromachi jusqu'au début du 17e siècle. Les matériaux, les motifs et le style étaient variés. Le dôfuku de gauche est en cuir, celui de droite, en soie, est un peu plus tardif (1590) est en soie. Il a été offert par Toyotomi Hideyoshi à un de ses alliés pour son aide durant la bataille d'Odawara.
Au début du14e siècle, de plus en plus de personnes affectent des conduites étranges, tapageuses, extravagantes et des comportements hors du commun (basara) souvent fondés sur l'égoïsme et la provocation violente. Les manières de penser, de s'habiller et de s'amuser changent vite. Au Moyen Âge, les costumes, les coiffures et les coiffes sont communément admis comme des codes sociaux indiquant le statut et le milieu de chaque individu. Le luxe ou l'extravagance des costumes sont donc considérés comme une forme de contestation des conventions. Certains personnages s'affichent avec des costumes étranges aux couleurs criardes qu'ils affectent de porter avec un certain relâchement. Les chasseurs et les habitants des montagnes portaient fréquemment des peaux de renard pendues à la taille et cette habitude se répandit parmi les habitants des villes pour affirmer une désinvolture virile et un air farouche en réaction contre un certain bouddhisme. Des femmes arborent des coiffes masculines leur couvrant une partie du visage pour mieux se fondre dans la foule. Cette confusion des moeurs finit par inquiéter le shôgunat qui fait interdire le port de tenues basara dans certains lieux publics mais sans véritable efficacité.
Extrait de "Nouvelle histoire du Japon", P.F Souyri
"Le mot basara recoupe très exactement l'apparition d'une culture qui allait accompagner la dissolution des hiérarchies antérieures, et l'étendre… L'emploi de ce mot se répand au début du 14e siècle à propos de banquets insoucieux, d'affrontements violents, du luxe ostentatoire comme du port de vêtements réservés aux catégories discriminées… Ce courant, qui fut comme l'avant-garde de désordres plus graves du monde renversé, évoquerait presque la naissance d'une mode, par son pouvoir de diffusion à travers un grand nombre de domaines différents, mais une mode dangereuse et peu goûtées des autorités qui s'efforceront en vain de la contenir à un milieu restreint composé d'akutô, d'une petite minorité de seigneurs indociles et du secteur mal défini des conteurs, joueurs professionnels, marchands ambulants et courtisanes."
Extrait de "La fin de Muromachi", Pascal Moatti
Pour en savoir plus sur le courant basara: Revue Annales, 1995, « Des gens étranges à l'allure insolite ». Contestation et valeurs nouvelles dans le Japon médiéval, Kazuhito Satô
Travaux agricoles et fêtes religieuses rythment l'année. La production agricole s'intensifie et se diversifie (plantes tinctoriales, arbre à laque, mûrier et thé). Un essor des professions artisanales accompagne ces progrès et les régions se spécialisent: soie grège, papier, céramique, soieries… "Scènes de moeurs à chaque mois de l'année" (Tsukinami fûzokuzu byôbu) 月次風俗図屏風, 2e moitié du 16e siècle, école Tosa. Détail du 5e mois, "Plantation des rizières".
À cette époque, la hausse de la production agricole est remarquable et la production artisanale (produits métallurgiques et textiles, papeterie, distillerie), minière, celle du sel, la pêche se développent considérablement et sont à l'origine d'une économie marchande et d'une intensification de l'emploi des monnaies. Foires, marchands grossistes, guildes sont de plus en plus nombreux. Des classes de marchands urbains et d'artisans se développent (dont les prêteurs d'argent et les usuriers). L'essor commercial favorise les échanges et de nouvelles professions comme convoyeurs, loueurs de chevaux etc… La société change, les thèmes littéraires ou les rouleaux (peints ou dessinés) emaki mono mettent en scène de plus en plus souvent des gens issus de ces catégories sociales. D'une certaine manière, la culture du Moyen Age est à l'image de la formidable instabilité sociale de l'époque et reflète le désir des couches populaires d'avoir une prise plus forte sur leur destin.
Le mode d'habillement se transforma et fusionna: les sous-vêtements des nobles et le vêtement des gens du peuple s'unifièrent pour former le kosode, sans différence de classe. On commença à voir apparaître des dessins qui ornaient les kosode du peuple. Mais les manches restaient toujours courtes et le obi n'était qu'une simple ficelle ou cordelette.
七十一番職人歌合 (Nanajû ichiban shokunin uta awase), milieu 16e siècle. Vendeuse de tokoroten (gelée d'agar-agar vendue sous forme de nouilles) et vendeur de vinaigre de riz.
Pêcheur réparant ses filets et cordages et homme de la montagne qui vend des fagots, des peaux et de la viande de gibier. La notion de souillure prend une dimension nouvelle et envahissante, dans la seconde phase du Moyen Age.
La notion d'impureté, de souillure et de tebou s'étend peu à peu à la consommation de viande animale. Le gros gibier (sanglier et chevreuil) est frappé d'interdit à la consommation et disparaît de la table impériale dès le 12e siècle. La consommation de viande en général et surtout de viande rouge devient taboue y compris parmi les guerriers de l'Est du japon, pourtant grands amateurs de chasse. Mais ces interdictions ne touchent pas les couches populaires et l'on sait que la consommation de sanglier et de chien était encore fréquente au 15e siècle.
Marchands de poissons et produits de la mer. Les motifs teints des kosode et du hakama sont très simples.
Fabricants d'outils agricoles. Un simple kosode relevé permet de mieux bouger ! Une simple teinture sans aucun motif.
À partir du 16e siècle, l'influence des broderies et des brocarts, importés de Chine au cours de la période des Ming, se conjugue avec les goûts de la classe guerrière éprise de luxe et soucieuse de prestige. Lors de cérémonies officielles, les femmes portaient par-dessus leur tenue, un lourd kosode (uchikake) posé sur les épaules, maintenu ouvert et paré de couleurs vives et de brocarts. C'est en 1479, au cours d'un banquet que l'empereur Gotsuchi-mikado accorda son autorisation à la femme de Ashikaga Yorimasa, Hino Tomiko, d'arborer ce nouveau style vestimentaire.
Tenue en vogue pendant la période de Muromachi et jusqu'au début du 17e siècle, le koshimaki était une tenue formelle estivale et confortable adoptée par les dames de la cour impériale. Ce style perdura auprès des femmes de la haute aristocratie militaire pendant l'époque d'Edo. Retenu et noué à la taille, le vêtement se portait sur le kosode, manches non enfilées, de sorte que le haut de la robe pendait sur le dos. Le hitoe (kosode sans doublure) porté sous le koshimaki était en soie d'été.
Le portrait ci-dessus à droite représente Oichi no Kata (1547-1583) en position assise qui a adopté le style en vogue à la cour avec un uchikake noué autour de la taille sur un kosode blanc. Elle était la soeur de Oda Nobunaga et l'épouse de Asai Nagamasa, daimyô de la province d'Ômi pendant la période sengoku-jidai.
Les femmes de guerriers de haut rang abandonnèrent le hakama et commencèrent à porter un kimono plus long, visible dans sa totalité. La ceinture du hakama permettant jusque-là de maintenir le kosode en place, il fallut y trouver un substitut. Le obi allait remplir ce rôle à la perfection. Il n’était encore qu’une étroite ceinture de quelques centimètres de large. C'est ainsi que la mode féminine s'élabora ainsi peu à peu.
Cette femme qui appartient à l'élite guerrière porte une tenue semi-formelle de sortie fermée par un obi étroit. Le kosode est long et très large au niveau du corps mais les manches sont courtes. Elle a recouvert sa tête d'un second kosode nommé kadzuki. Le bandeau en tissu qui lui ceint la tête est un katsura-obi.
Le kosode devint un vêtement d’extérieur à part entière et son aspect (couleurs et matières) évolua considérablement. On lui appliqua les techniques de teintures des vêtements d’apparat de la cour. La forme originale du kosode actuel, porté comme vêtement d’usage courant ou exceptionnel apparut donc à ce moment.
Alors que le shôgunat Ashikaga renforçait sa domination par l'intermédiaire du shôgun, des seigneurs féodaux, des daimyô et des nobles de la cour, le pouvoir du peuple augmentait.
Des techniques de teinture comme le tsujigahana, le shibori, le nuihaku, le surihaku...sont nées à cette époque et reposent sur l'utilisation de dessins à l'encre, de broderies complexes, de techniques de teintures élaborées et d'insertion de feuilles métalliques or ou argent.
L'importation chinoise de satins, de brocarts, de crêpes de soie et de nouvelles techniques de tissage associée au talent et aux capacités techniques des tisserands japonais apportèrent un nouvel élan à l'activité textile. Ceux-ci avaient assimilé toutes les finesse de l'art du tissage et décoraient les vêtements de broderies compliquées avec des motifs de fils d'or et d'argent. Ces magnifiques kosode, exclusivement réservés à l'usage de la haute société et qui peuvent encore servir aujourd'hui de costumes de théâtre nô, sont les exemples parfaits du savoir-faire artisanal japonais.
La série de kosode reproduite ci-dessous a été réalisée par des professionnels de l'Association des teintures et tissages de Kyôto (京都染織り文化協会) à partir d'échantillons de tissus précieusement conservés et de divers documents originaux (rouleaux peints) avec les mêmes techniques de tissage, de teintures, de broderies… en vogue au cours de la période de Muromachi.
Ce sous-kimono (shitagi) en taffetas orné de rayures brun-rouge teintes selon le principe de shibori-zome offre un joli contraste avec le fond. Il a été confectionné pour être porté sous le kimono de droite orné de formes en éventail ouvert.
Le kosode a un corps très large et des manches courtes.
Il est en taffetas orné de formes en éventail colorés rehaussés de motifs floraux finement peints à l'encre.
Association de formes et motifs audacieux sur un fond rouge: des pins et des formes arrondies symbolisant la neige ornent de larges bandes horizontales traversées par des diagonales de fleurs blanches stylisées.
Kosode en taffetas marron foncé au décor disposé sur trois niveaux: losanges ornés de motifs saisonniers peint à l'encre, rayures composées du motif kanoko teint en shibori et de longues tiges fleuries (shibori) disposées tout autour de l'ourlet.
Plusieurs techniques utilisées pour trois séquences de motifs: des aiguilles de pin en losanges (shibori, kanoko) sur les épaules, des vagues (shibori) autour de l'ourlet et un feuillage d'érable associé à des formes en éventails au centre (tsujigahana) .
Le fond blanc en taffetas est décoré d'un motif de gros pois. Seules les épaules et l'ourlet sont ornés de feuilles d'automne, apportant ainsi une impression de bienfaisante fraîcheur. Teinture shibori.
Le fond en taffetas brun-jaune arbore de grands motifs appelés genji-kô pour évoquer la pratique de la voie de l'encens (kôdô). Techniques utilisées: teinture shibori et broderies en biais de type matsui-nui.
Sous-kimono (shitagi) à damiers et blancs et bleus en soie confectionné pour être porté avec le kosode rouge ci-dessus.
Ce vêtement en taffetas au design élaboré et aux techniques complexes qui varient sur chaque côté est l'oeuvre d'un artisan ou d'une brodeuse au savoir faire indéniable: fleurs blanches sur fond noir (shiroage, dessin à l'encre) à droite et shibori associés à plusieurs types de broderies à gauche.
Le fond est décoré par paliers composés de larges rayures noires et de pins en losanges superposés sur le fond blanc, traités selon différents procédés de teinture shibori qui permettent d'obtenir des résultats très variés.
Le fond blanc en taffetas est décoré de larges formes en nuages teint à l'indigo ornées de fleurs de prunier à l'intérieur. Ce sous-kimono (shitagi) devait être porté avec le kosode brun-jaune situé au-dessus.
Ce kosode montre une composition audacieuse qui allie un mélange de formes contrastées avec des espaces en damiers, des motifs végétaux et des formes florales traités selon les techniques de teinture tsujigahana et shibori.
Tissu de kosode, période de Momoyama.
Cette technique décorative est apparue au cours de la période de Muromachi et a connu son heure de gloire un peu plus tard, au sein des classes de l'élite de la période de Momoyama pour connaître un déclin soudain au cours des années Edo. On suppose que ce style s'inspirait des vêtements aux motifs teints portés dans les classes populaires.
Cette innovation extrêmement complexe combinait à la fois le tie and dye (shibori), le dessin à l'encre peint à la main (kaki-e), l'embellissement par l'application (surihaku) de feuilles d'or ou d'argent et l'ajout de broderies (nuihaku).
Sa caractéristique était une teinture par réserve: le shibori-zome. Il en existait plusieurs variétés mais la plupart consistait à passer un fil dans les contours des motifs qui ne sont pas destinés à recevoir la teinture. La partie cousue était recouverte d'une pâte résistante à la teinture ou alors couverte et protégée pendant l'immersion dans le bain de teinture. On obtienait alors une variété de motifs.
L'autre technique la plus caractéristique associée au tsujigahana était la peinture au pinceau à l'encre; c'était une pigmentation plutôt qu'une teinture. Le décor était soit de style hakubyô, symbolisé par ses délicats contours ombrés, soit de style suibokuga, aux lignes plus précises, épaisses ou fines. Ces deux procédés picturaux étaient également employés dans la peinture sur paravents, rouleaux ou albums.
Au début du 17e siècle, ce procédé trop onéreux fut délaissé au profit de la seule teinture shibori-zome (motif kanoko).
Kosode décoré de motifs brodés et de feuilles d'or et d'argent (nuihaku). Conçu à l'origine pour une dame de haut rang, il fut utilisé plus tard comme costume de théâtre nô (16e siècle)
Ce kosode était un costume de théâtre nô (16e siècle) pour un rôle d'enfant. Les broderies disposées sur les épaules et autour de l'ourlet évoquent les formes des brumes. Les couleurs des fils de soie des motifs floraux montrent des changements de nuances, une technique caractéristique du style de la période suivante de Momoyama.
Le nuihaku combine les broderies et l'application de feuilles d'or et d'argent pour créer un effet de contraste entre les reliefs des fils de soie et les surfaces planes et lustrées des feuilles métalliques. La broderie s'inspire d'un point populaire de la dynastie Ming (Chine) que les Japonais nomme watashi. Les rouges, jaunes et verts sont les couleurs dominantes des broderies peu espacées et entourées de feuilles métalliques pour un résultat riche et somptueux.
Sur ce costume destiné à un enfant jouant un rôle dans les pièces de Nô, les techniques utilisées sont superbes et le design est remarquable. Des feuilles de vignes et des grappes de raisin sont disposées en arabesques sur toute la surface.Tôkyô national museum,16e siècle
Ce procédé consistait à appliquer des feuilles de métal (or ou argent) sur un dessin réalisé au préalable. Il pouvait être utilisé seul ou associé à d'autres techniques comme celle du tsujigahana. Les tissus étaient en général des satins (rinzu ou shusu). Cette technique a été largement utilisée pour remplacer les luxueux tissus importés de Chine et s'est surtout développée au cours de la période de Momoyama, dans la réalisation exclusive de somptueux kosode que seules les femmes de l'élite pouvaient s'offrir. Les motifs étaient encore d'inspiration chinoise et il faudra attendre les années Edo pour que les tisserands déploient toute leur créativité et leur virtuosité technique aussi bien dans le choix des motifs que dans leur disposition.
Précieux cha-ire (contenant pour la poudre de thé vert) protégés par des tissus meibutsugire (15e~16e siècle).
Les premiers brocarts d'or et d'argent (kinran, ginran) et les tissus de gaze de soie ornés de motifs brodés au fil d'or et d'argent furent importés de Chine au Japon pendant l'époque de Kamakura, par des moines zen. Ils furent utilisés pour les costumes de spectacles de danse bugaku. Dans le Rokuon Nichiroku 鹿苑日録, il est mentionné que le premier vêtement de brocart a été porté par un marchand fortuné de Kyôto en 1592.
Les acteurs de cette époque furent impressionnés par ces tissus exceptionnels et luxueux dont les motifs étaient réalisés en ajoutant des fils recouverts d'or ou d'agent dans le tissage pour laisser apparaître des formes en arabesques, des motifs floraux ou animaliers: pivoines, chrysanthèmes, clématites, dragons, fleurs de paulownia, phoenix etc… Plusieurs centaines de ces tissus précieux jidaigire ou meibutsugire furent répertoriés dans des catalogues et furent particulièrement appréciés et admirés par les adeptes de la cérémonie du thé et l'élite entre le 14e et le 17e siècle. La plupart des tissus sont des brocarts mais on trouve aussi des tissus rayés et à carreaux (kantô 間道), des indiennes (sarasa 更紗), des damas (donzu 緞子), etc… Chacun porte un nom, soit celui de leur propriétaire, d'un moine, d'un temple connu, d'un daimyô, d'un maître de thé ou d'une anecdote historique… Ils se distinguent aussi par leurs motifs et leur ordre d'arrivée au Japon.
Le karaori est un tissu broché proche de la broderie fidèle à la méthode chinoise. C'est le plus luxueux des brocarts. Par sa technique et ses motifs, il est non seulement le symbole du nô mais encore celui de la haute tradition textile japonaise. Karaori, c'est aussi le nom donné à un costume de nô de coupe kosode porté pour les rôles féminins.
Les costumes de nô aux motifs brodés et dorés (kinhaku) sont appelés nuihaku. Les dimensions sont caractéristiques des kosode de l'époque suivante de Momoyama: ils sont courts (environ 130 cm) et la largeur des manches n'est que de 20 cm environ.
Les tissus damassés ou brocardés comme le très précieux karaori par exemple (littéralement “tissage chinois”, qui présentait des motifs tissés pouvant se confondre avec des broderies) furent produits en quantité et restaient réservés aux puissants de l'époque.
C’est également au cours de cette période que les broderies commencèrent à faire leur apparition. Elles offraient la possibilité de reproduire plus aisément et librement toutes sortes de motifs et présentaient l’avantage non négligeable de se confondre avec les brocarts karaori très onéreux. Ces techniques exceptionnelles commencèrent à être utilisées dans la confection des costumes du théâtre nô.
Le théâtre nô est était un divertissement populaire et provincial, joué par des saltimbanques, méprisés et discriminés pour leur statut inférieur. Il connut un succès étonnant à Kyôto en pleine guerre civile et il fut prisé aussi bien par les grands aristocrates de la cour, les puissants guerriers qui entouraient le shôgun que par les marchands des environs de la ville ou les paysans. Le nô plaisait aux samurai car il retraçait les vies héroïques et tragiques de leurs ancêtres.
Le style des anciens costumes fut peu à peu abandonné et remplacé par des robes aux décors flamboyants. C'est sur la scène du théâtre nô que l'art du textile connut ses plus belles réalisations à l'époque d'Edo. Dans les premiers temps, ces costumes se différenciaient peu des vêtements de l'aristocratie et ils suivaient les types de tissage et de décor de leur époque. Dans la seconde moitié du 15e siècle, une codification complexe fut appliquée touchant aussi bien les modèles dans leurs détails que les techniques décoratives. Plus tard, ces costumes somptueux n'offraient plus que des motifs tissés, brodés ou appliqués à la feuille d'or et d'argent.
Les femmes de Ôhara au nord de Kyôto au pied du mont Hiei vendaient du charbon de bois, des fagots et du bois de chauffage en les portant sur la tête. Leur tenue était caractéristique: un kosode noir sur une tunique blanche fermés par une ceinture rayée rouge et blanche, des protections pour leurs mains (tekô), des jambières et des sandales de paille tressée waraji.
Cette femme de Katsura, dans la banlieue ouest de Kyôto vendait de petits poissons (ayu) pêchés dans la rivière Katsura dans un baquet posé sur sa tête. Ces vendeuses avaient l'habitude de nouer un tissu autour de leur tête appelé katsura-tsutsumi dont l'origine lointaine reste incertaine et portaient des kosode en lin.
Danseuses et musiciennes avec tambourins. Au second plan une shirabyôshi qui porte un long hakama (nagabakama) rouge et un kosode avec un suikan. Parmi ces danseuses, de nombreuses filles de joie (yûjo). Les danses shirabyôshi connurent leur heure de gloire à l'époque de Heian et de Kamakura mais avec l'essor de nouveaux types de spectacles, elles disparurent peu à peu au profit du théâtre nô.
Vendeurs de charbon de bois