HISTOIRE DU KIMONO, Edo (4)

En ce tout début du 19e siècle, la culture d'Edo, celle des classes sociales urbaines, est à au comble de sa maturité qui se traduit par son raffinement et son esthétisme avec les inévitables signes de décadence qui l'accompagnent et qui ne trompent pas. Corruption et crise financière aggravées, inflation, infractions à la politique d'isolement par des navires étrangers, intensification des troubles sociaux, révoltes paysannes, lois somptuaires, censure des livres sont les signes avant-coureurs d'un désastre imminent. Toutefois, cette courte période des ères Bunka-Bunsei (1804-1829) constituent la dernière phase de stabilité du règne des Tokugawa.
Dans le domaine vestimentaire, l'originalité et les nouveautés qui ponctuaient les époques précédentes n'ont plus cours et la mode est aux vêtements de couleurs sobres voire austères avec le règne des tissus rayés ou ornés de petits motifs en semis
komon dans des nuances marron, noires, grises ou bleu nuit.


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La vie des quartiers de plaisir était régie par des règles qui ont donné une culture et une esthétique contraires à l'ordre moral confucéen rigoureux qui réglait la vie de la société japonaise. Les courtisanes éduquées et sensuelles étaient le reflet d'un certain idéal féminin à l'opposé de l'image de la femme morale de la période d'Edo.
Cette scène de genre montre un client assis, en kimono bleu, qui occupe l'attention d'un personnel nombreux (une
oiran (courtisane de très haut rang) et ses jeunes suivantes, des amuseurs, des geisha et des serveuses) dont le seul but est de le divertir. Son style distingué, ses vêtements sobres à la dernière mode ne trompent pas: un kimono finement rayé qui semble être uni vu de loin, un col noir ajusté à son sous-vêtement, un obi à petit carreaux ishimatsu du dernier chic lancé par un acteur de kabuki, confirment que ce client connaît les codes du lieu mais aussi ceux de la mode en vogue à l'époque avec notamment le concept d'iki.
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Divertissement sous les cerisiers au Yoshiwara (Toyohiro, vers 1801).

Ce qui est iki est beau mais pas voyant, discret mais averti, simple mais pas vulgaire ni banal. L'iki est un concept qui détermine les rapports sociaux et amoureux, la mode, la façon d'être et de penser. Il s'agit de saisir la cruauté du monde sans renoncer à l'élégance du geste ni à la beauté des choses impermanentes.
La notion d'
iki (chic, distingué, raffiné) qui s'oppose au yabo (rustre, grossier, démodé, ringard) et au gehin (vulgarité) a vu le jour dans les quartiers de plaisir et s'est développé pour aboutir à une sensibilité propre à la bourgeoisie citadine: détestation de l'arrogance des guerriers, de la soumission aveugle aux règles, des sermons confucéens. Cette sensibilité urbaine de raffinement discret teintée de sentiments humains est née au 18e siècle et s'est affirmée en ce début du 19e siècle. Hommes et femmes iki se montraient plus naturels, sans maquillage ni accessoires superflus, dans des tenues raffinées aux tons délicats, très simples en apparence mais qui exigeaient des sommes considérables et des subterfuges ingénieux. Pour résumer, le style iki en dit le moins pour en signifier le plus.

LES KOSODE

MODE À LA COUR

Lorsque les femmes de la noblesse n'étaient pas en représentation pour des cérémonies officielles, elles continuaient à porter des kosode dont le style propre à leur classe n'avait guère varié au cours de la période d'Edo.
Des fleurs brodées de grandes tailles (glycines, azalées) ou des branches fleuries étaient dispersées sur toute la surface et des arbres en fleurs (
tachiki) associés à des éléments paysagers discrets constituaient l'essentiel des représentations. Les paysages se sont formalisés au cours du 19e siècle avec des motifs et une disposition préétablis comme par exemple une représentation d'eau vive sur le bas du kosode et un arbre ou du feuillage sur le haut, le tout dominé par des oiseaux en vol.

ÉLITE GUERRIÈRE

Les uchikake, katabira (pour l'été) et autre kosode formels dont les femmes de guerriers se paraient lorsqu'elles apparaissaient en public ou pour des occasions exceptionnelles étaient toujours rehaussés de broderies et d'applications diverses, uniformément sur toute la surface du vêtement. Leur évolution se poursuivait dans la continuité avec des motifs classiques anciens (yûsoku) parfois associés à des thèmes plus contemporains (fleurs de saisons, motifs classiques et de bon augure, chariots, radeaux de fleurs…) sur des fonds en satin rouge, blanc ou noir.
Au quotidien, les kosode en crêpe de soie colorée (chirimen) se paraient également de broderies et de motifs teints (shiro-age, kanoko surihitta) révélant ainsi leur goût immodéré pour les paysages souvent imaginaires faisant allusion à des oeuvres littéraires ou théâtrales (nô). Cette tendance perdura jusqu'au milieu du 19e siècle.

LA HAUTE BOURGEOISIE

Les kosode de la classe bourgeoise fortunée se caractérisaient par l'utilisation du satin (rinzu) à la place de la soie chirimen. L'utilisation de toutes les techniques connues de teintures, broderies et dessins peints, utilisées conjointement pour l'ornement, suffisaient à peine à la création de ces somptueux motifs. Les kosode à fond rouge, blanc, noir ou marron offraient un élégant contraste avec les éléments décoratifs de bon augure (pin, bambou, prunier, glycines, fleurs de cerisier, éventails, rideaux de bambou, boîtes à coquillages peints, couples de canards mandarins, grues, tortues etc…) et étaient également portés lors de cérémonie de mariage.

DÉTAILS DE MODE

Les obi en satin noirs (kuro-shusu), qui étaient déjà en vogue au tout début du 18e, siècle le restèrent avec des variantes (chuya-obi, kujira-obi) qui arboraient des motifs distincts sur l'envers et l'endroit avec par exemple, l'endroit noir uni et l'envers coloré à motifs. Un genre qui ne se démoda pas avant les années Taishô (1912-26).

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Les dimensions du obi atteignaient alors presque 30 cm de large et 3,60 m de long. Des dimensions qui ne facilitaient pas sa mise en place et qui justifièrent l'apparition du obijime (appelé alors obidome), à l'initiative d'un acteur de kabuki qui, pour éviter que son obi ne glisse, noua une ceinture par-dessus. Les femmes se sont alors empressées de suivre cette nouvelle mode. Au début, elles utilisaient des ceintures (shigoki) ou des cordelettes rondes rembourrées (maruguke), puis des ceintures plates à passants métalliques pachin-dome (à gauche) qui, au début du 20e siècle, furent remplacées par des cordelettes tressées (kumi-himo) dont la longueur augmenta régulièrement jusqu'aux années 1940-50.
Les obi en satin noirs (
kuro-shusu), qui étaient déjà en vogue au tout début du 18e, siècle le restèrent avec des variantes (chuya-obi, kujira-obi) qui arboraient des motifs distincts sur l'envers et l'endroit avec par exemple, l'endroit noir uni et l'envers coloré à motifs. Un genre qui ne se démoda pas avant les années Taishô (1912-26).

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Sur cette estampe (1885), la femme qui est debout porte un
chûya-obi noué dans le style o-taikô. L'année 1817 marqua un changement décisif dans la manière de porter le obi. En effet une geisha du quartier de Fukagawa avait noué son obi dans une forme qui devait évoquer et célébrer le célèbre pont Taikohashi du sanctuaire Kameido, situé dans le même quartier.
Le
taiko-musubi (noeud taiko) était né et c'est probablement la manière la plus communément utilisée pour nouer un obi encore de nos jours.

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À GAUCHE: Les sous-vêtements évoluent peu à peu. Sous le kosode, les femmes portaient généralement un koshi-maki, une sorte de jupon droit serré à la taille. Désormais, pour éviter qu'il ne se voit en marchant, elles ajoutèrent un suso-yoke (kedashi) rouge vif par-dessus. Le juban long en soie chirimen orné de motifs teints devint un sous-vêtement à part entière pour les femmes citadines. Le col était en coton blanc, coloré, orné de motifs teints shibori ou de broderies et dépassait légèrement du col du kosode.
Pour se protéger du froid ou à l'occasion d'événements particuliers, il était courant de rajouter une autre robe (
kasane-shitagi) en soie blanche ou à motifs rayés, sarasa ou komon entre le juban et le kosode.

À DROITE (X2): Au milieu de l'époque d'Edo, le col noir (kuroi kake-eri) des kosode était très en vogue auprès des femmes des quartiers populaires. Signe de changement au début du 19e siècle avec des cols de satin noir qui se généralisent et s'imposent auprès des femmes de toutes conditions (femmes ordinaires, serveuses de maisons de thé, geisha…). Sous le kimono au col noir, le juban est porté selon les codes de l'époque avec le col qui dépasse largement du kimono.

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Ce lutteur de sumô en kosode à larges rayures régulières croisées (motif benkei-shima) est fermé par un obi de style hakata. Succès retentissant chez les hommes et les femmes pour ce quadrillage qui évoquait le damier des tables de jeu de go.
(Au milieu) Une serveuse de maison de thé, reconnaissable à son plateau et à son tablier maekake orné ici de fleurs de paulownia blanches. Sur son kimono, un motif géométrique genji-kô en référence au "Dit du Genji", déjà apprécié et qui connut un regain de popularité suite à la parution d'un ouvrage en 1829. Notez le large koshi-obi rouge placé sous son large obi noir.
(À droite) Cette femme, rentre d'une fête saisonnière (matsuri) à Asakusa en novembre, avec quelques patates douces (taro), la spécialité locale, toujours en vente de nos jours. Pendant la saison froide, les haori étant réservés aux hommes, les femmes portaient des vestes hanten matelassées au col bordé de noir.

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Cette allusion aux cinq fêtes annuelles d'origine chinoise (sekku), avec les incarnations du 7 juillet et du 5 mai, est aussi un prétexte pour mettre en scène des bijin vêtues de kimono ou de yukata décorés de motifs en vogue (rayures et petits carreaux kakudôshi et glycines).
La femme de droite
sort d'un sentô (bains publics) et porte un yukata en coton orné de rayures et d'un motif de chauve-souris en vol qui forment le kanji kotobuki (félicité, 寿). Ce jeu de formes revient à l'acteur de kabuki Ichikawa Dajurô VII qui associa ces deux éléments.

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Rivalité entre geisha d'Edo et de Kyôto (vers 1850) et acteurs de kabuki. Ceux-ci restaient les "influençeurs" en matière de mode de l'époque et leurs préférences se diffusaient rapidement auprès de leur public.
Segawa Kikunojô II
(à gauche) porta pour la première fois sur scène une tenue dans des nuances kaki-ocre (rokocha) qui eurent un succès immense jusqu'à la fin du 19e siècle. Iwai Hanshiro V (1776-1847) (à droite) lance un motif de feuilles de chanvre (asa no ha) aux contours teints en pointillés (hanshiro-kanoko), comme on peut le voir sur le sous-vêtement rouge qui dépasse élégamment du kimono.

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Courtisane et oiran de Yoshiwara en grande tenue où tout semble excessif (vers 1815-30).

SARASA ET TOZAN
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Les cotonnades imprimées importées au Japon (indiennes, sarasa) connurent un grand succès aussi bien à Kyôto qu'à Edo au cours des 17e et 18e siècles. Le côté exotique, l'expression et les coloris des motifs animaliers, floraux ou géométriques ont immédiatement séduit. Les premiers tissages en coton imprimés d'origine indienne, indonésienne ou du Siam ont été introduits au Japon par les voyageurs et marchands portugais à la fin du 16e siècle. Nommés meibutsugire, ils étaient alors considérés comme rares et précieux.
Au début du 18e siècle, la production japonaise (
wa-sarasa) était déjà relayée par des artisans teinturiers spécialisés mais c'est suite à la publication d'ouvrages en 1778 et 1785 que la vogue du sarasa prit de l'ampleur. Ces tissus furent d'abord utilisés pour la confection de sous-vêtements et de juban et connurent un grand succès auprès des adeptes du tsû (chic) et d'élégance iki, notamment les marchands aisés et les acteurs de kabuki.

(Ci-dessus) Juban et sous-kimono du milieu Edo orné d'une flore imaginaire et foisonnante, idéalement portés avec un kosode en coton très sobre à fines rayures, une association qui résume parfaitement l'élégance iki et le tsû, cette attitude élégante et nonchalante qui n'appartient qu'à celui qui maîtrise aussi les codes (tsûjin).

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Au début de période d'Edo, les tissages en coton rayé furent importés de Saint-Thomas (San Tome) en Inde, à côté de Madras et l'on désigna ce type de tissages par tôzandome (ou tôzan).
Les premières productions à rayures japonaises datent des années 1615-24 dans la région d'Ise. Plus tard, d'autres lieux de production se développèrent, notamment à Bushû et Kawagoe (Saitama). Le coton subissait un traitement au
kinuta, une méthode traditionnelle pour assouplir les fibres et rendre le tissu fluide, brillant et soyeux, ce qui en augmentait considérablement le prix.
Les tissus étaient conçus en général dans des modèles de rayures verticales qui correspondaient parfaitement au concept esthétique d'
iki en vogue qui promouvait une sobre élégance dans la classe bourgeoise aisée, régulièrement visée par des lois somptuaires avec parfois l'interdiction de porter de la soie. Puisque les lois imposaient de s'habiller dans la simplicité, on assista à d'habiles subterfuges pour les détourner en portant des kosode sombres à peine ornés de fines rayures invisibles de loin, mais onéreux et d'une qualité incomparable. La simplicité devint raffinement avec des nuances neutres et des motifs minuscules (komon) répartis uniformément sur toute la surface. Le perfectionnement des techniques de tissages ajouté à un engouement pour ces modèles et ces couleurs synonymes d'élégance favorisèrent leur développement au sein d'une population moins aisée.

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Page extraite d'un carnet d'échantillons de cotons rayés.

Les couleurs voyantes n'étaient plus adaptées aux codes d'élégance de l'époque. Les nuances de gris, brun et bleu prirent le relais, exprimant le mieux la notion d'iki.
"La couleur grise est
iki…elle se situe sur le passage du blanc au noir…et représente la pâleur des couleurs. Rien n'exprime mieux la résignation que le gris. C'est la raison pour laquelle depuis l'époque d'Edo, les diverses nuances de gris ont été appréciées comme des couleurs iki. La couleur brune est la seule couleur qui soit prisée comme étant iki. C'est une couleur voyante qui résulte de la réduction de la luminosité." D'après Kuki Shûzô, "Structure de l'iki".
Les nuances et les noms des couleurs parfois poétiques étaient innombrables: gris foncé bleuté, gris de la laque, gris rougeâtre, gris bleuâtre, gris souris, brun à tonalité indigo grisâtre, jaune légèrement bleuté, brun ambré, brun marron du milan, brun à tonalité noire du bambou brûlé, marron prune, écorce de marron, vert grisâtre du rossignol…

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CLASSE MOYENNE CITADINE
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Activité maximale dans un commerce de tissu Echigoya qui deviendra le célèbre grand magasin (depâto) Mitsukoshi, (Kuwagata Keisai), ère Bunka

Depuis le milieu du 18e siècle, la mode des kosode ornés seulement sur la moitié inférieure continuaient à faire l'unanimité chez les citadines de la classe bourgeoise. Ces kosode de type suso-moyô (motifs au niveau de l'ourlet) devinrent une référence pour toutes jusqu'au milieu du 19e siècle. Les lois somptuaires qui limitaient l'emploi de techniques sophistiquées et coûteuses influencèrent également les décors et les tissages et eurent pour résultat de développer auprès des artistes et des clients une certaine réserve et un goût plus subtil. Le goût japonais pour la simplicité et la finesse créa une élégance sobre qui caractérisa les kosode de la fin de la période d'Edo.

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(À gauche) Une jeune épouse bourgeoise qui s'apprête à sortir, porte un kosode bleu nuit discrètement orné sur le bas. Elle l'a ajusté à sa hauteur en formant un pli au niveau de la taille (hashori). En privé quand elles ne sortaient pas, les femmes portaient leur kimono très long si bien que le bas traînait par terre derrière elles et pouvait gêner la marche. À côté d'elle, une servante au kosode plus court.
(À droite) Une citadine à la dernière mode porte son obi noué à l'avant sur un kosode marron en soie orné de motifs teints sur le bas.

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Au cour de l'époque d'Edo, les femmes mariées et les jeunes filles adultes se noircissaient les dents (ohaguro) à l'aide d'une poudre métallique. De plus, les femmes mariées se rasaient les sourcils. La jeune femme de droite, miroir à la main, applique une dernière touche de rouge sur sa lèvre inférieure qui constituait le dernier cri en matière de maquillage à la fin du 18e siècle et au début du 19e siècle. Le rouge à lèvres était un produit de luxe à l'époque et seul le milieu des lèvres était peint, réduisant ainsi la taille de la bouche. L'application de plusieurs couches épaisses de rouge donnait peu à peu cette couleur vert-violet irisé (sasa-ro beni).
Le peintre Gion Seitoku (1755-?) était réputé pour ses portraits féminins de toutes conditions.
Le portrait de gauche réalisée par Keisai Eisen, vers 1822, montre une femme mariée de la haute noblesse aux sourcils rasés avec la lèvre inférieure peinte en vert (
sasa-iro, qui évoque la couleur des feuilles de bambou). La coiffure très sobre ne comporte qu'un seul ornement (kôgai).
La poudre utilisée pour se noircir les dents étaient composée d'un mélange de noix de galle réduites en poudre, auxquelles on rajoutait de l'eau de lavage du riz, du vinaigre, du sake et une poudre de fer. Une fois le mélange oxydé, il devenait insoluble et pouvait être appliqué, chaque jour ou tous les 2-3 jours. Considérée comme obsolète au début de la période de Meiji, cette pratique fut interdite en 1870.

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ARTISANS
PEUPLE D'EDO: TRAVAIL ET FESTIVITÉS

À la fin de la période d'Edo, le shôgunat promulgua une loi interdisant l'extravagance et le luxe vestimentaires pour toutes les classes de la société. Couleurs, motifs et tissus étaient réglementés dans les détails. Les kosode du peuple devaient être en chanvre ou en coton dans des nuances de brun, gris ou bleu. En 1827, les notables des villages furent autorisés à porter des vêtements en soie ou en pongé de soie (tsumugi) selon les circonstances.

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L'importance des fêtes saisonnières et autres matsuri était aussi importante dans les villes qu'à la campagne et marquaient un renouveau et une rupture avec le quotidien. Il y en avait tout au long de l'année: fête d'un temple, d'un quartier, d'une ville, fête des rires agraires, fête du feu, de la fertilité etc…La foule était haute en couleurs, composée de curieux, de marchands des rues, de porteurs, de livreurs, de familles, de voyous, de saltimbanques, de spectacles, de moines qui tous déambulaient entre les yatai (stands) dans la confusion, les rires et parfois les rixes. C'est dans ces rassemblements de divertissements populaires que l'esprit d'Edo était le plus attachant.
De gauche à droite: enfant et groupe de citadins âgés, famille de samurai et servante qui se rendent au sanctuaire, vendeur de rue, porteur et courtisane, paysan et vendeur de sake.
Collage "Événements annuels à Edo" (59 vues), Hashimoto Osakuni (vers 1840)

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Deux marchands transportent leur kama (four), fabrication de mochi à base de pâte de riz, guide et visiteur. La majorité des hommes qui travaillaient portaient des vêtements de coton: un pantalon étroit (momohiki) sous leur kosode qu'ils remontaient parfois pour plus de facilité ou sous un hanten (veste).
Collage "Événements annuels à Edo" (59 vues), Hashimoto Osakuni (vers 1840)

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Scène estivale avec jeunes hommes agités en kosode légers teints de motifs rayés ou à carreaux, un moine itinérant (komusô) avec sa flûte et sa coiffe en bambou, des vendeurs de légumes et de poissons, une fille de joie et un samurai désoeuvré.
Collage "Événements annuels à Edo" (59 vues), Hashimoto Osakuni (vers 1840)

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De gauche à droite: samurai et subalterne qui portent une sorte de pantalon étroit (momohiki), homme portant un haori sur les épaules et une capeline qui cache son visage, marchand vêtu de rouge avec chapeau melon qui vend des okoshi, sorte de galettes de riz soufflé, vendeur de tissu et de coupons usagés, homme au kosode relevé dans son obi.
Collages "Événements annuels à Edo" (59 vues), Hashimoto Osakuni (vers 1840)

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Ambiance festive et marché de plein air: un diseur de bonne aventure au visage dissimulé, un vendeur d'éventails ronds uchiwa, une mère et son fils qui se rendent au temple, un marchand de moustiquaires (kaya), de chapeaux de paille et d'ombrelles.
Collages "Événements annuels à Edo" (59 vues), Hashimoto Osakuni (vers 1840)

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Se protéger pendant la saison des pluies: capes de marchands itinérants, ombrelle de papier huilé, chapeaux de paille de formes diverses, hautes geta, mino (manteau de paille tressé).
Collages "Événements annuels à Edo" (59 vues), Hashimoto Osakuni (vers 1840)

TOURISME ET VOYAGES

Avec la décadence des shôgun, les Japonais pouvaient voyager avec plus de liberté, une occasion de découvrir paysages et beauté des saisons: on se rendait dans les lieux célèbres (meisho), sur les grands centres de culte, on se promènait sous les cerisiers, au bord de l'eau en été, on se baignait dans les sources thermales. Ces thèmes furent tous repris par les maîtres de l'estampe et on a souvent dit que les Japonais avaient appris à connaître leur pays en admirant leurs oeuvres.

À PROPOS DES LOIS SOMPTUAIRES

Leur but était de contrôler les idées qui menaçaient la bienséance et la moralité publiques.
Les lois somptuaires eurent un impact dans plusieurs domaines de la vie politique et sociale: l’expression des idées, la consommation et les apparences.
Durant la période d'Edo, il y eut plusieurs périodes de restriction à propos du contenu des idées, avec des édits qui interdisaient les publications en rapport avec des sujets de l’époque, des théories non conformes, des rumeurs, des scandales, l’érotisme, les fonctionnaires du gouvernement et tout ce qui se rapportait aux Tokugawa et à la famille impériale.
D’autres édits tentèrent de réguler ou d’interdire les manifestations extérieures de richesse et les dépenses en fonction de chaque classe sociale. Alors que les citadins commencèrent à amasser de véritables fortunes et à vivre selon les us réservés à la classe des samurai, le
bakufu dicta les lois somptuaires pour que chaque statut social soit respecté, encourageant la sobriété et le maintien des règles morales du néo-confucianisme. Le gouvernement veillait particulièrement à ce que la morale et la discipline des samurai ne soient pas corrompues par le style de vie fastueux des riches chônin.
Le
bakufu reconnaissait que la mode permettait de traverser les frontières invisibles des classes sociales qui se distinguaient souvent dans le choix de l’habillement et des accessoires. La nature potentiellement séditieuse du vêtement et de la mode pendant la période d'Edo fut l’objet de nombreux édits répressifs qui touchaient aussi au style de vie et aux comportements. Ces lois furent très fréquentes dès le début du 17e siècle. En 1617 déjà, les feuilles d’or et d’argent appliquées sur les vêtements des courtisanes (puis les fils d’or) furent interdits; en 1649, une liste des restrictions destinées aux chônin apparut, incluant l’interdiction de la laque dorée décorative, de maisons ornées de feuilles d’or ou d’argent et de selles laquée d’or. De la même façon, des fermoirs d’or ou d’argent sur les blagues à tabac étaient interdites car trop ostentatoires.

En 1681, un riche citadin d’Edo, Ishikawa Rokubei, devint célèbre pour avoir violé ces lois. La famille de Rokubei et les servantes se parèrent de magnifiques vêtements pour aller voir le
shôgun Tsunayoshi en visite à Ueno ; pensant qu’elle était l’épouse d’un daimyô, le shôgun se renseigna et en apprenant qu’elle n’était qu’une femme de chônin, devint furieux devant cette marque d’irrespect devant un supérieur. Il fit saisir toute la fortune de Rokubei et fit exiler la famille. Peu après, en 1683, Tsunayoshi (célèbre pour sa vie de débauche) et les officiels dictèrent un nombre considérable de lois concernant l’habillement des chônin. Ainsi, ne suffisait-il pas seulement de limiter ses dépenses mais aussi de vivre selon les règles adaptées à la classe à laquelle on appartenait.
Même si les manquements à ces lois étaient rarement punis sévèrement, elles eurent des effets néfastes sur la création artistique et l’expression personnelle.

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L'effondrement du régime des Tokugawa avec l'arrivée des canonières occidentales marque la fin de la période d'Edo et le passage du Japon de l'époque pré-moderne à l'époque moderne avec la formation d'un État-nation.
Le style en vogue des kimonos de cette fin de 19e siècle (petits motifs, couleurs sobres et discrètes) se poursuivra encore pendant quelques années.

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