Le obi est une ceinture qui se noue par-dessus le kimono afin de le maintenir en place. Ces deux éléments du costume traditionnel japonais sont indissociables. Si le kosode (kimono) devint le vêtement principal porté par tous à partir du milieu de la période de Muromachi (1333-1573), l'histoire du obi ne commença véritablement qu'au début de l'époque d'Edo (1603-1868).

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Dans l’antiquité et jusqu’à l’époque de Heian (794-1185), les robes et tuniques étaient maintenues fermées par une simple cordelette ou une ceinture courte et étroite en tissu (parfois en cuir pour les nobles) nouée à l’avant. Ces ceintures plates de quelques centimètres de large (taira guke) étaient parfois confectionnées avec les restes de tissu des vêtements et ne présentaient qu’un aspect fonctionnel.

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Au cours de l’époque de Heian (794-1185) et de Muromachi (1333-1573), les obi gagnèrent légèrement en taille et devinrent un accessoire ornemental de la tenue féminine.

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Yuna-zu, "Servantes de bains publics", 17e siècle.

Entre le milieu du 16e et jusqu’au 17e siècle, un nouveau genre de ceinture adapté aux larges et encombrants kosode fit son apparition : le nagoya obi (名護屋帯) était une cordelette ronde, composée de fils de couleurs tressés (rouge, violet...), qui se nouait dans le dos ou sur le côté, laissant pendre les deux extrémités garnies d’une houppe.

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Dès l’ère Kanei (1624-1643), seules les courtisanes commencèrent à porter des obi larges (de plus de 15 cm). Cette mode se répandit largement au sein de la population féminine quelques années plus tard (1661-1680). Ce n’est que vers la fin du 17e siècle que le port du nœud à l’arrière fut promulgué officiellement.

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Pendant l’époque d’Edo, des lois appliquées aux quatre catégories sociales (guerriers, paysans, artisans et commerçants) régissaient rigoureusement les détails des coiffures, des tissus et des nœuds de obi. Il fut une époque où le obi noué sur le devant (ci-dessus) était réservé à des catégories sociales bien particulières: les moines et les exclus de la société (courtisanes de haut rang: oiran, tayû, condamnés, veuves...).
En 1629, de sévères mesures gouvernementales interdirent le théâtre kabuki féminin, puis, plus tard celui des mignons (wakashu kabuki). Des acteurs masculins plus âgés se mirent alors à interpréter les rôles féminins (yarô kabuki, 1652) et l’on usa d’artifices variés afin de dissimuler une corpulence plus imposante et d’accentuer une féminité artificielle en donnant de l’ampleur aux kimonos et aux obi. Ainsi, les modifications des dimensions du obi sont-elles dues également à ce nouveau genre de théâtre.
La promulgation de lois somptuaires frappa également le monde du kabuki (interdiction d’utiliser brocarts et autres matériaux luxueux), ce qui n’empêcha pas les acteurs d’user de subterfuges ingénieux pour être vus et reconnus de loin. Ces modes réservées à l’origine à la scène eurent un retentissement considérable auprès de la population citadine et les grands acteurs dictaient véritablement les tendances de l’époque.

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Le très populaire acteur de kabuki, Kamimura Kichiya, inaugura sur scène un style original de obi, beaucoup plus large, plus long et noué à l’arrière imitant avec exagération le style d’une jeune fille aperçue à Gion (quartier de Kyôto). Ce type de nœud dont les extrémités pendaient lourdement et auquel il donna son nom fit fureur (kichiya musubi).
L’évolution du obi se poursuivit également en parallèle avec les progrès réalisés par les tisserands de Nishijin (Kyôto) pour aboutir, au cours de l’ère Genroku (1688-1704), à une largeur d’environ 30 cm et une longueur de 2,50 à plus de 3,60 m. La grande variété des tissus et les nombreuses manières de le nouer sont caractéristiques de cette époque.

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À la fin du 17e siècle, une autre célébrité de l'époque, l'onnagata Mizuki Tatsunosuke, lança fortuitement le style mizuki musubi. Les extrémités du obi, laissées longues, cachaient ainsi une partie de son dos qu'il avait trop imposant, disait-on.
Les
kosode se portaient très longs et afin de faciliter la marche, il fallait maintenir les pans avant relevés ou bien, il suffisait de remonter et de passer le surplus du pan avant gauche entre le obi et le kimono lui-même (ce surplus qui correspond aujourd'hui au hashori, un pli plat au niveau de la taille qui régule la longueur du kimono). Un autre moyen de "raccourcir" le kosode consistait à rajouter une fine ceinture nouée juste en-dessous du obi (koshi-obi).

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Les changements dans la manière de porter le obi (et le kosode) furent également liés à l'avènement de la catégorie sociale citadine et marchande. En effet, il était plus pratique de bouger et de travailler avec un obi noué dans le dos et cette nouveauté devint rapidement la caractéristique d'une classe laborieuse.
Toutefois, le noeud à l'avant perdura encore de longues années.
Au début du 18e siècle, l'acteur de kabuki Murayama Heijûrô détermina une nouvelle manière de nouer le obi (heijûrô-musubi) mieux adaptée au style des kimonos de l'époque.

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La largeur du obi augmenta notablement au milieu du 18e siècle et devint un accessoire décoratif fondamental, mettant l'accent sur la beauté du kimono.
Le noeud
carta musubi, de forme rectangulaire qui évoquait trois cartes à jouer alignées, en vogue à la fin du 17e siècle (ère Genroku) auprès des femmes et des jeunes hommes se transforma pour être adapté aux ceintures larges: le noeud (avant ou arrière) ressemblait ainsi à une grosse boîte rectangulaire et prit le nom de bunko musubi (en vogue fin 18e).
C'est en 1795 que le noeud à l'avant fut définitivement abandonné. Le obi fermé à l’arrière allait finalement s’imposer auprès de toutes les femmes sans distinction d’âge. Sa dimension fut alors décidée officiellement : 3,60 m de long sur 30 cm de large.

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Des élégantes s'apprêtent à escalader le Taiko-hashi du Kameido à Edo. Les koshi-obi noués en-dessous des très larges obi sont bien visibles. Torii Kiyonaga

L'année 1817 fut décisive pour le obi.
L'action se situe dans le quartier de Fukagawa à Edo, sur le petit pont arrondi appelé Taikohashi dans le jardin du sanctuaire Kameido (célèbre pour ses glycines). Une geisha avait noué son obi dans une forme qui devait évoquer et célébrer l'atmosphère du paysage environnant. Pour maintenir le tout ensemble dans le forme voulue, celle du pont, elle utilisa un obijime (cordelette) et un obiage (ceinture enserrant le makura). Le style taiko musubi, toujours très utilisé de nos jours, était né.
Pour maintenir fermement en place une ceinture de plus en plus lourde et longue, de nouveaux accessoires firent leur apparition:
le obijime (cordelette dont l’usage se répandit dans les années 1860 et qui se noue par-dessus le obi)
le obiage (petite ceinture de tissu nouée sous le obi et qui dépasse légèrement sur le haut, ajoutant une touche colorée à l’ensemble)
le obidome (sorte de petite broche décorative aux formes innombrables qui se glisse sur le obijime et se place au centre du obi).

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Source: https://tr.twipple.jp/p/ef/821c5f.html
De gauche à droite et de haut en bas:
1-
chidori-musubi (pluvier)
2-
shôryû-musubi (petit dragon)
3-
kichiya-musubi (du nom de l'acteur de kabuki Kamimura Kichiya)
4-
koman-musubi (d'après un personnage d'une pièce de kabuki "Yakko no Koman")
5-
nagoya-obi (fin 16e début 17e siècle)
6-
ya no ji musubi (lancé par l'acteur onnagata Segawa Kikunojô II)
7-
yoshio-musubi
8- mizuki-musubi (fin 17e siècle (lancé par l'acteur de kabuki Tatsunosuke Mizuki)
9-
rokô-musubi (lancé par l'acteur onnagata Segawa Kikunojô II, énorme succès)
10-
carta-musubi (le noeud ressemble à trois cartes qui se suivent), début 17e siècle
11-
hitotsu-musubi, aussi appelé darari-musubi pendant la période d'Edo
12-
tate-musubi
13- bunko-kuzushi
14- heijûrô-musubi
(mis à la mode par l'acteur d'Ôsaka, Murayama Heijûrô III)
15-
sageshita-musubi

À partir de la fin du 19e siècle, la mode occidentale allait s’imposer et changer radicalement les habitudes japonaises.

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