Il est de coutume de différencier les étoffes tissées dites orimono et les étoffes teintes dites somemono. Au sens littéral du terme, les orimono sont le résultat tissé d'un assemblage croisé de fils de trame et de chaîne, formant des motifs ou pas. Dans le cas des somemono, les écheveaux de fil subissent soit un bain de teinture direct soit les motifs sont appliqués au pinceau ou au pochoir sur le tissu.
Une autre classification permet de distinguer les kimonos selon le procédé de teinture du tissu: on parle alors de sakizome si la teinture est effectuée sur le fil blanc avant le tissage (kasuri, tsumugi…) et de atozome, si le fil est teint une fois tissé (yûzen, komon…).
Les tissus japonais sont fabriqués en soie (un exemple bien connu est le tissage tsumugi, fait de soie sauvage ou de résidus de soie cultivée), en coton, en fibres de plantes asa (lin et ramie), en fibres d'arbres : kozo et kaji (famille du mûrier), fuji (famille de la glycine), kuzu (liane vivace), bashofu (fibre de bananier), shinanoki (écorce de tilleul), ohyo (écorce d'orme).
Les tissages kozo, kaji, fuji et kuzu fournissaient des tissus solides mais peu confortables et étaient très répandus parmi les couches populaires avant l'introduction du coton au Japon. Le kuzu, arbre sauvage, avait la particularité d'être utilisé aussi pour fabriquer des vestes de samourai et de pompier.
Les tissus bashofu en fibres de bananier étaient une spécialité des îles Ryûkyû (anciennement Okinawa), où ils étaient portés par toutes les couches sociales, avec toutefois des distinctions faites au niveau des teintures.
Les shinanoki et ohyo étaient utilisés par les populations Ainu de Hokkaido, au nord du Japon.
C'est un pongé de soie confectionné à l’origine par les paysans qui après avoir utilisé les fils de soie de bonne qualité dans un but commercial, récupéraient les déchets de soie (ou schappe) pour leur propre usage. Le fil irrégulier était alors filé à la main puis tissé: les fileuses humidifiant le fil avec leur salive, les meilleures fileuses étaient, paraît-il, les femmes d’âge moyen dont la salive contenait un taux hormonal idéal, information à vérifier !
Cette production familiale se transforma pour laisser place à une industrie locale importante présente dans tout le Japon. Le filage nécessitait entre 20 et 45 jours et la confection d’un kimono demandait plus de 3 mois. Les principaux motifs représentaient des formes géométriques ou symétriques et se résumaient à des rayures, des carreaux et des croix (typiques du genre kasuri). Plus les motifs étaient petits et précis, plus le tissu était de bonne qualité.
Parmi les principaux tissages régionaux, citons: Yonezawa tsumugi, Yûki tsumugi, Oshima, Ryûkyû tsumugi, Shiozawa tsumugi, Kumejima etc...
Kimono iyo-kasuri 伊予絣, motifs kurume-kasuri 久留米絣, bingo kasuri 備後絣, portions de fil teints
Les kasuri (ikat japonais), les tsutsugaki (batik japonais), les katazome et bingata (pochoir) constituent les principales techniques de décor des tissus populaires.
Les étoffes kasuri (en soie, coton ou lin) à petits motifs dont la technique de tissage est originaire d’Inde, furent introduites au Japon à l'époque d'Edo via l’Indonésie où elle portait le nom d’ikat et s'est ensuite répandu dans tout le pays. L'ikat japonais a la particularité d'être en général fait dans le sens des trames à la différence des ikat d'Asie du Sud-Est qui se font dans le sens des chaînes.
Le fil est teint par sections avant d’être tissé et les motifs sont géométriques ou figuratifs (pin, bambou, fleur de prunier, grue, tortue...). Le tisserand doit alors planifier précisément l’endroit où viendra se placer la portion de fil teint afin de former le motif prévu. Les kasuri japonais les plus connus sont Iyo kasuri, Kurume kasuri et Bingo kasuri, du nom de leur région d’origine).
À la fin du 18e siècle, la production intensive de coton a stimulé cet artisanat conçu dans une communauté pour leur propre usage. Depuis la fin des années Edo (1603-1868) jusqu'à la fin des années 1920, les kimonos en ramie ou en coton fin ornés de ces petits motifs répétitifs aux contours flous étaient chose courante et faisaient partie de la vie quotidienne du Japon urbain et rural.
Au milieu du 19e siècle, le kasuri était tissé dans tout le Japon et chaque région avait développé ses caractéristiques distinctives, même si la teinture prédominante était l'indigo. Le tissu était en lin ou en coton filé à la main orné de petits motifs laissés en blanc.
Kimono ryûkyû kasuri 琉球絣, motifs ryûkyû-kasuri 久留米絣 avec motifs floraux et hirondelles
Les textiles kasuri les plus typiques se sont développés entre le milieu et la fin des années Edo (milieu 18e~milieu 19e s.), principalement à partir des motifs originaires des îles d'Okinawa (anciennement Ryû-kyû), notamment Yaejima. Ce type de tissage a commencé à arriver au Japon du 16e au 17e siècle via l'Inde et le terme kasuri date de cette période. Par opposition, le terme ikat qui définit une technique de tissage identique est utilisé pour les tissus originaires d'Asie du sud-est.
Ce sont des tisserands qui ont apporté leur singularité aux kasuri d'Okinawa: ils ont commencé à utiliser des motifs de trame et de chaîne et à manipuler les fils de trame pendant le processus de tissage pour obtenir des effets simples et picturaux. Il sera utilisé pour tous les tissages proprement japonais qui utilisent la teinture des fils de trame ou de chaîne par réserve c'est-à-dire de fils teints partiellement avant le tissage.
Les kasuri d'Okinawa commencèrent à atteindre le Japon à la fin du 16e siècle mais d'autres techniques et pratiques locales (Kyôto) qui utilisaient également la teinture par réserve étaient déjà connues depuis la période de Heian (794-1185) et réservées aux vêtements de cour, aux danses bugaku et aux moines bouddhistes. Il ne s'agissait pas alors de créer des motifs mais plutôt de changer la couleur du fond de différentes parties du vêtement (dangawari kosode).
Des règles élaborées se développèrent qui limitaient l'usage de certaines couleurs et motifs exclusivement aux membres de la famille royale des îles Ryû-kyû et de la haute aristocratie. Les vêtements devinrent ainsi un code pour exprimer le rang social, le statut et l'occasion. Les plus belles productions qui se retrouvent dans les collections mondiales actuelles datent des 18 et 19e siècles.
L'histoire de la diffusion des tissages kasuri à travers le Japon varie selon les auteurs mais tous s'accordent pour dire que l'influence du sankin-kôtai a été déterminante dans les échanges entre les régions qui stimulèrent le développement de la production.
Une région montagneuse, isolée et pauvre (Echigo, act.Niigata) sur la côte de la mer du Japon, devint étonnamment une des premières et des plus importantes régions productrices de kasuri. Depuis longtemps en relation commerciale avec Okinawa, cette région a aussi utilisé ces échanges pour bénéficier directement des connaissances et du savoir-faire des tisserands du sud. Echigo était une zone rurale, enneigée pendant de longs mois où les doubles récoltes étaient impossibles. Les agriculteurs tissaient donc en hiver des tissus de lin qu'ils revendaient sur le marché d'Osaka. Face à la demande grandissante de tissus kasuri dans les grandes villes, ils se mirent à les produire et à les vendre avec succès à Kyôto, Osaka et même Edo dès la fin du 17e et au début du18e siècle. Ce sont les femmes de paysans qui tissaient chez elles (temae-kasuri) quand la saison froide ne permettait aucune activité agricole. Les tissages de cette période n'existent quasiment plus. Seules de précieuses pièces ayant appartenu aux familles les plus fortunées puis cédées et conservées par les compagnies de théâtre nô qu'ils soutenaient nous sont parvenues.
Les familles rurales ne pouvaient pas se permettre de conserver et de transmettre leurs vêtements aux générations suivantes. Quand un vêtement était usé (jusqu'à la trame), il était retaillé pour en faire des vêtements d'enfants ou des chiffons à usage domestique. Une fois bien usés et adoucis ces tissus devenaient des langes pour les nourrissons.
Cependant, de nombreux tisserands conservaient dans des carnets de petits échantillons des tissages réalisés (shimachô, ci-dessous) sur une, deux ou trois générations qui font partie de l'histoire locale.
Echigo-jôfu 越後上布
« Les fibres de ramie sont séparées du reste de la plante avec l’ongle, puis torsadées à la main pour former des fils. Selon le procédé de teinture par nœuds, les fils de ramie sont noués en bottes à l’aide d’un fil de coton, puis trempés dans la teinture, de façon à créer un motif géométrique ou floral lors du tissage sur un simple métier à courroie attaché dans le dos. Le tissu est lavé dans de l’eau chaude, puis malaxé avec les pieds, et enfin exposé, pendant dix à vingt jours, sur les champs couverts de neige pour sécher et prendre une coloration plus claire sous l’action du soleil et de l’ozone libéré par l’évaporation de l’eau contenue dans la neige. »
Il en résulte un tissu fin, délicat et hors de prix qui conviendra parfaitement pour de luxueux kimonos d'été.
Extrait de: "Unesco, L’Ojiya-chijimi, Echigo-jofu : techniques de fabrication du tissu de ramie dans la région d’Uonuma, de la préfecture de Niigata".
Parmi les exigences pour la désignation de l'Echigo jôfu comme bien culturel immatériel important, citons les conditions suivantes:
- Tous les fils doivent être fabriqués à la main à partir de ramie.
- L'application du motif kasuri doit se faire à la main.
- Le tissage doit être effectué sur un métier à tisser.
- Lorsque le sarashi (blanchiment) est effectué, il doit l'être par la neige (yuki-sarashi).
À la fin du 18e siècle, la production de kasuri était bien implantée dans tout le Japon et sa popularité auprès des citadins des grands centres urbains ne faisait que s'accroître. Les lois somptuaires de l'époque qui interdisait l'usage de vêtements luxueux au peuple fut un facteur d'accroissement considérable des tissages kasuri et des teintures au pochoir katazome. Ainsi, même des épouses de marchands prospères à qui il était interdit de porter des brocarts, des damas ou des teintures shibori su soie, se mirent à soutenir des marchands de kasuri et de katazome.
Avec la demande, le lin et le coton devinrent alors une part fondamentale de l'économie rurale dans de nombreuses régions. Les estampes de la fin Edo donnent une idée de l'ampleur de cette mode et les artistes montraient souvent des groupes d'hommes ou de femmes revêtus d'élégants kimonos en kasuri, en tissu rayé ou quadrillé, en katazome … Cette tendance s'amplifiera avec le temps de la fin du 18e siècle jusqu'au début du 19e notamment sous l'influence d'acteurs de kabuki.
À l’origine, ce terme honorifique désignait les kimonos portés par le 11e shôgun Tokugawa Ienari (1787-1837) et les nobles de la cour. Il s’agissait d’une sorte de crêpe de soie à motifs figuratifs, rayés ou de type kasuri. La technique de tissage élaborée et la qualité des fils de soie torsadés utilisés donnaient au tissu un léger relief. De plus, la séricine du fil de soie était éliminée ce qui donnait plus de souplesse et de brillance au tissu. Encore utilisé pour les kimonos formels au cours des années Edo, ce tissu solide et souple, qui ne se déforme pas et se froisse peu, est utilisé, de nos jours, pour des vêtements élégants à porter au quotidien.
Les tissages de soie meisen sont réalisés avec des fils préalablement teints.
À l'origine, les fils de soie utilisés étaient de qualité inférieure et ils étaient destinés à une population rurale pour la confection de kimonos du quotidien.
La mode des tissages rayés et quadrillés très en vogue au cours de l'ère Edo mettaient en valeur ces tissus rayés (shima-meisen) qui étaient dorénavant portés par les citadines de Tôkyô.
Durant l’ère Taishô (1912-1926), le style kasuri-meisen (ikat japonais) connut son heure de gloire avec une production réalisée autour de la capitale. Grâce à une technique de tissage appelée hoguchi-ori, il était possible de teindre les motifs sur le tissu ce qui permettait la réalisation de motifs complexes. L'utilisation de teintures chimiques commence au cours de ces années avec l'influence de la culture occidentale qui donnera également naissance au style moyô-meisen (meisen à motifs), très populaire, caractérisé par ses couleurs vives et chatoyantes, ses motifs audacieux, géométriques ou figuratifs inspirés des mouvements Art nouveau et Art déco.
Pendant la courte période d'avant-guerre, la production ne cessa de s'améliorer et les innovations se poursuivirent grâce à une collaboration avec l'école des beaux-arts de Tôkyô ainsi que de dessinateurs français pour le design et d'une importation de teintures d'origine allemande.
Les tissus à rayures et à carreaux étaient déjà très en vogue durant la période d’Edo. Ils sont indémodables et offrent un aspect à la fois moderne et traditionnel.
Sorte de taffetas à l’aspect lisse et lustré. Il en existe plusieurs variétés. Les commandes de la noblesse de Cour commencèrent dès le 10e s. Produit à Kyoto pendant et après la période de Momoyama (1573-1603).
Les différentes sortes de gaze de soie sont connues au Japon sous l’appellation karami ori. Les techniques de tissage sont complexes et les tissus peuvent être unis ou à motifs. La gaze, originaire du Moyen-Orient, était produite en Chine avant l’ère chrétienne. Elle fut importée au Japon dès le 7e siècle et produite au 8e siècle pour être utilisée au cours des cérémonies bouddhiques ou lors des sacres impériaux.
Ces tissus sont particulièrement adaptés et appréciés en été, très chaud et humide au Japon.
Choma (ramie)
Bashô-fu (bananier)
Fuji-fu (glycines)
Robe kimono atsushi
Luxueux kimono en ramie (jôfu) avec teinture chaya-tsuji
Sur-kimono kadzuki
Les fibres végétales sont connues depuis l'antiquité et sont remarquables pour leur résistance et leur flexibilité (lin asa, chanvre taima, jute, ramie choma ou karamushi, fibres de bananier bashôfu, ortie de Chine jôfu)…
Les tissages produits au Japon à partir de fibres naturelles non filées sont parmi les plus beaux du monde et sont considérés comme des produits de luxe. Les fibres végétales issues de plantes herbeuses (chanvre, ramie) étaient cultivées dès leur introduction au Japon et le blanchiment des fibres de ramie (jôfu) a produit un tissu blanc lustré destiné aux luxueuses teintures chaya-tsuji ou hon-tsuji, porté en été par les femmes de la cour et les épouses de samurai de haut rang. Le travail de ces matériaux naturels atteignait un tel degré de finesse qu'il était parfois impossible de les distinguer de la soie. Cette étoffe légère, aérienne et très agréable au toucher convient parfaitement aux étés chauds et humides du Japon mais son prix très élevé en fait un matériau d’exception.
Par opposition, d'autres fibres naturelles semblent être des reliques d'un passé lointain: grossières, rigides, de couleur naturellement foncée, résistantes aux teintures, elles ne doivent leur survivance que grâce à l'attention passionnée de petits fabricants dévoués et nostalgiques. Jusqu'à ce que le coton commence à être largement cultivé au Japon, les femmes des campagnes et des régions montagneuses ramassaient, transformaient et tissaient ces fibres végétales pour habiller toute la famille. On qualifie un kimono de populaire en fonction de son tissu et non pas de sa coupe, dans la mesure où la coupe des kimono est très standardisée. Les plantes qui poussaient à l'état sauvage sur les pentes des montagnes (arbres kôzo et kaji de la famille des mûriers à papier, vignes de glycine et kuzu possédaient des fibres plus résistantes dont la couleur brune naturelle n'était pas altérée par le blanchiment. Leurs fibres étaient si rigides qu'il était impossible de les filer en continu. Leur production était utilisée localement pour réaliser des vêtements ou des sacs grossiers (et très recherchés de nos jours) utilisés dans le processus de fabrication du saké (sakabukuro).
Jusqu'au début du 20e siècle, les tissages en fibres de glycines (fuji) étaient surtout utilisées dans l'ouest du Japon pour des vêtements de travail, des toiles de cuiseurs à vapeur, des bordures de tatami et même des filets de pêche. Chaque région produisait des tissages de fibres végétales variées en fonction de leurs usages quotidiens (cordes, capes de pluie, voiles…).
Les tissus de coton teints à l'indigo ne devinrent représentatifs des tenues des gens du commun que relativement récemment. L'impression erronée de sa prédominance provient du fait que la plupart des vêtements en coton qui ont survécu datent du 19e siècle. Les vêtements en fibres végétales étaient marron et non pas bleus et cette couleur représentait la classe paysanne tout comme le blanc était la couleur privilégiée de l'élite.
Au cours de la période d'Edo, les teinturiers de textiles provinciaux avaient tendance à utiliser l'indigo. Il était impensable pour les femmes bien nées de sortir de chez elles sans se recouvrir la tête d'une sorte de sur-kimono (kazuki) qui servait à la fois de cape et de voile. Ces kazuki en ramie, abordables pour des épouses de marchands prospères étaient ornés de motifs audacieux dans différentes nuances d'indigo.
Ce colorant végétal était aussi utilisé pour les motifs ikat (kasuri) de nombreux styles régionaux de tissages de ramie (jôfu), comme Echigo jôfu et Ômi-jôfu.
La région de Ômi, proche de Kyôto, produisait des tissages destinés aux vêtements du quotidien avec des motifs bleus ou marron sur fond de lin blanc. Des marchands coordonnaient tout le processus de l'industrie artisanale: ils achetaient du lin brut dans les montagnes d'Ômi et le distribuaient à des femmes spécialisées qui le filaient et le torsadaient pour en faire des fils de chaîne. D'autres marchands récupéraient des fils de trame non torsadés préparés par des femmes paysannes, des citadines ou des épouses de samurai sans fortune. Les fils étaient ensuite livrés à des spécialistes qui les préparaient et les nouaient pour être tissés et finalement arrivaient aux mains de jeunes tisserandes. Ces tissages étaient portés par toutes les classes de la société: guerriers, moines, citadins et paysans tout comme les tissages en fibres de bananier bashô-fu étaient accessibles à tous dans les îles Ryûkyû (Okinawa). Les tissages les plus fins étaient tissés à la capitale Shuri et étaient directement adressés à la cour sans intermédiaire. Les teintures variaient dans de subtiles nuances de bleu, vert, jaune et rouge, avec ou sans motifs ikat.
Les tissages autorisés pour les gens du commun se limitaient à des tissus unis rehaussés de rayures brunes ou bleues, plus étroites pour les hommes et les personnes âgées. Ce n'est qu'à la fin des années Edo en 1868 que les roturiers d'Okinawa purent adopter toutes les techniques de décoration textile.
A l'extrême nord du Japon, la population aïnou de Hokkaidô utilisaient l'écorce d'arbres de la famille des ormes (ohyô) pour fabriquer des robes-kimono appelées atsushi, et qui après un long procédé donnaient un tissu brun-jaune. Des motifs bilatéraux complexes étaient alors disposés sur certaines parties du vêtement dans une combinaison d'appliqués et de broderies. Des incorporations de coton teint à l'indigo, de soie rouge ou même de restes de kimonos teints et brodés qui avaient appartenus autrefois à d'élégantes femmes urbaines et qui avaient été revendus plus tard à des chiffonniers.
Les trois méthodes de teinture résistante citées ci-dessous ont joué un rôle important de la période d'Edo (1603-1868) à nos jours. Toutefois, leur origine est beaucoup plus ancienne et remonte à la période Kofun (250-552) lorsque diverses méthodes de tissage et de teinture furent importées du continent asiatique. D'autres techniques plus sophistiquées et complexes furent introduites au cours des périodes suivantes (Asuka, Nara). Au milieu du 3e siècle, les Japonais utilisaient déjà l'indigo (ai) pour le bleu et la garance (akane) pour le rouge. Les couleurs unies semblaient alors être la règle, mais du début du 6e siècle jusqu'au 8e siècle, une grande variété de procédés tinctoriaux et de méthodes de tissages furent encore importées de Chine vers la région centralisée de Nara. Parmi les nouvelles techniques de teintures à motifs, les avancées les plus remarquables comprenaient trois types de teinture résistante, appelées sankechi: la teinture par bloc (kyôkechi), la teinture par nouage (kôkechi) et la teinture par résistance à la cire (rôkechi). Ces techniques si elles n'ont pas toutes perduré de manière semblable, furent à l'origine des techniques ultérieures kata-zome, tsutsugaki et yûzen-zome.
Pendant la période de Kamakura, de petites quantités de tissu importées de la Chine des dynasties Song puis Yuan (12e~14e s.) furent très convoitées par les seigneurs militaires, les prêtres de haut rang et l'aristocratie.
Au 16e siècle, avec l'arrivée de commerçants portugais, des textiles d'origine indienne et d'Asie du sud-est ont commencé à faire leur apparition. Les tisserands et teinturiers japonais n'ont véritablement réussi à maîtriser les nouvelles techniques de Chine et d'ailleurs qu'à la fin du 16e siècle et au début du 17e siècle. Mais une fois les gestes et les techniques assimilés, ils ont commencé à produire en quantité une grande variété de motifs de tissage et de teinture: brocarts or et argent, damas, satins, gazes, motifs teints au pochoir, peints ou brodés… Ils ont aussi commencé à combiner des techniques nouvelles et traditionnelles pour répondre à la demande grandissante d'une clientèle aisée. C'est de cette industrie revitalisée que ces 3 styles de méthodes de teinture résistante ont émergé.
Les pochoirs en papier découpé sont fabriqués à partir de deux à quatre couches de papier kôzo (fibres de mûrier) fait à la main et laminé avec du jus de kakis non mûris. Après séchage, les feuilles de papier sont suspendues dans une pièce remplie de fumée de bois pendant environ deux semaines. Le tanin du jus de kaki se transforme pour donner un papier exceptionnellement durable, solide et presque imperméable. Ces pochoirs peuvent alors résister à plusieurs centaines d'applications de teinture.
Le pochoir est placé sur le tissu et une pâte (de riz) résistante est appliquée à travers le papier découpé sur le tissu. Le pochoir est ensuite retiré et lorsque la pâte est sèche, un liquide d'encollage est appliqué sur tout le tissu. Une fois sec, un colorant est appliqué. Seules les zones de tissu exemptes de pâte résistante prennent la couleur de la teinture. Lorsque la teinture est sèche, la pâte est lavée, laissant des zones non teintes pour former un motif sur le fond teint.
Kamishimo et motif edo-komon
Oiseaux
Pochoir katagami
Les premiers exemples de matériaux teints au pochoir se trouvent sur des armures de la période de Kamakura (1192-1333). Plus tard, au début de la période d'Edo (17e), des générations successives de guerriers et de nobles ont porté une tenue officielle (hakama et kamishimo) réalisée dans un tissu teint au pochoir, caractérisé par un motif en semis (komon). Au milieu de cette période, même si les motifs komon étaient encore utilisés pour les cérémonies, notamment chez les marchands fortunés, la mode changea radicalement et un nouveau style de motifs teints et plus grands devint populaire.
Variations de motifs de literie
Iris
Kimono teint à l'indigo
Les tissus teints au pochoir de la fin des époques d'Edo, puis Meiji (1868-1912) et Taishô (1912-26) comprennent une variété infinie de motifs allant des points minuscules en semis aux grands emblèmes familiaux: grues, bambou, fleurs de cerisier, tortues, iris, chrysanthèmes, feuilles d'érable, eau vive, glace, kanji japonais, éventails, pivoines, pins, formes géométriques… La plupart étaient utilisés pour la literie, certains vêtements, les bannières ou les noren (sorte de rideaux accrochés au dessus des portes).
Le procédé de teinture n'a probablement pas beaucoup changé depuis le 17e siècle.
La technique du tsutsugaki demande du temps et de la patience et n'a guère changé depuis le 17e siècle. Le tissu est lavé, coupé et cousu dans la forme souhaitée. Il est ensuite tendu sur un cadre de bambou de manière à ce que la surface soit parfaitement lisse. Le dessin est esquissé sur le tissu au crayon ou au fusain puis les lignes sont recouvertes d'une pâte de riz à l'aide d'un tube (tsutsu) composé de deux parties, une réserve conique et un tube de bambou ou en métal. Pour accélérer le séchage, du son de riz est saupoudré sur la pâte. L'envers du tissu est traité de la même manière et ensuite la pièce est laissée à sécher. Les couleurs autres qu'indigo sont alors appliquées à ce stade et le tissu est enduit d'un produit fixant. Les motifs colorés sont ensuite recouvert d'une couche de pâte de riz sur les deux faces du tissu.
Une fois le tissu sec, il est immergé dans un bain colorant. S'il s'agit d'indigo, le nombre de bains déterminera la nuance et l'obscurité du bleu souhaité. Le tissu est ensuite plongé dans un bain d'eau chaude pour ramollir la pâte de riz. Celle-ci est ensuite grattée puis le tissu subit une autre immersion dans de l'eau chaude. La pièce de tissu est alors tendue à nouveau sur un support jusqu'au séchage final. Le processus complet nécessite environ une vingtaine de jours.
Il s'agit d'une autre méthode de teinture utilisant la résistance à la pâte de riz et les couleurs appliquées. Des vêtements de l'époque de Muromachi décorés par cette technique sont parvenus jusqu'à nous; il s'agit principalement de costumes de théâtre nô et de kimonos destinés à de riches mécènes, ce qui nous amène à penser que ce style était exclusivement réservé aux classes privilégiées.
Au début de la période d'Edo, de nouvelles réglementations strictes furent promulguées qui interdisaient l'usage ostentatoire de vêtements luxueusement ornés. Même si ces lois somptuaires freinèrent la diffusion de cette technique, peu à peu, tisserands et artisans teinturiers se sont familiarisés avec cette technique grâce au succès de la culture du coton au 17e siècle, à la popularité grandissante de ce nouveau matériau parmi toutes les classes de la société et à la facilité de le teindre. À la fin de la période d'Edo (milieu du 19e siècle), des boutiques de teinturiers spécialisés en tsutsugaki étaient implantées dans tout le pays et la production de ces tissus décorés connut une vogue sans précédent au cours des années Meiji et Taishô. Les modèles variaient en fonction des clients pour lesquels ils étaient conçus. La cour impériale, les guerriers fortunés et les chefs religieux avaient besoin de kimonos en soie fine et en lin qui arboraient des motifs teints audacieux (katsugi), des motifs sophistiqués et délicats (chayazome) ou des blasons familiaux teints sur un fond uni. Pour leur usage domestique, ils utilisaient des bannières, des housses de futon, de meubles, des noren, tous décorés de motifs réalisés avec ce type de teinture.
La classe marchande, nouvellement fortunée depuis le milieu des années Edo commença aussi à acquérir ces tissus teints précieux jusque là réservés aux catégories sociales supérieures.
Quant aux agriculteurs et autres roturiers, rares étaient ceux qui pouvaient s'offrir de beaux kimonos mais ils pouvaient se permettre ces textiles teints à usage domestique. En effet, ce sont les artisans teinturiers locaux présents dans presque tous les villages qui ont amélioré et perfectionné la technique du tsutsugaki jà un degré de création jusque là inégalé en particulier dans la décoration de housses de futon ou de yogi (futons ouatés en forme de grand kimono dans lesquels on se glissait pour dormir). Les motifs originaux et de bon augure étaient surtout réservés aux parures offertes lors de cérémonies de mariage:
- phoenix et paulownia symbolisaient paix et vertus traditionnelles (droiture, sincérité, honnêteté)
- trilogie pin,bambou et fleurs de prunier pour la longévité, la fidélité et l'intégrité
- grues et tortues pour la longévité, la chance et la stabilité
- lapin et vagues pour la conception
- les blasons familiaux (kamon) étaient également fréquemment représentés
Les teintures colorées aux motifs complexes se retrouvent plutôt dans l'ouest du Japon (Kyûshû et Shikoku). Les artisans des régions qui bordent la mer du Japon, le Tôhoku au nord semblaient privilégier des motifs plus sobres et plus discrets réalisés dans une ou deux nuances d'indigo seulement.
La production de tsutsugaki des grandes villes (Edo, Kyôto) était très variée mais les teinturiers restaient spécialisés dans des motifs complexes réalisés sur de la soie ou du lin.
Détails de motifs de kimonos: grue, bambou et fleurs de prunier, vagues, boîtes à coquillages, lis blanc
Cette méthode de teinture est dûe à Miyazaki Yûzen, un peintre d'éventail de Kyôto de la fin du 17e siècle. Grâce à ce procédé, il était désormais possible de teindre des textiles variés avec des motifs d'une grande finesse et précision en plusieurs coloris, ce qui n'était pas possible avec la technique précédente. La différence principale entre la teinture tsutsugaki et yûzen réside dans le fait que tous les textiles tsutsugaki sont trempés dans une cuve de teinture alors que les teintures yûzen ne sont jamais immergées.
Les contours des motifs sont tracés en bleu clair (aobana) puis recouverts de pâte de riz et finalement le tissu est plongé dans un produit fixant et séché. Les détails des motifs sont alors dessinés et peints puis entièrement recouverts de pâte de riz. Un fond coloré est appliqué à l'aide d'une brosse puis les colorants sont fixés à la vapeur. Le tout est alors lavé pour éliminer la couche protectrice. Après le séchage, des détails ou des broderies peuvent être rajoutés. Ce processus long et coûteux fut surtout développé afin d'orner les vêtements des classes privilégiées.
La teinture est réalisée après avoir noué le tissu (tie and dye). L'utilisation de ces techniques tinctoriales complexes remontent à la période de Nara. Puis elles furent abandonnées jusqu'à la période médiévale pour réapparaître au grand jour au cours des 14-15 et 16e siècles. Pendant les années Edo, la teinture shibori prend deux orientations distinctes: l'une sur soie réservée aux classes aisées (kyô-kanoko), l'autre sur coton utilisée au peuple (chihô-shibori).
Il s'agit d'une teinture monochrome (muji) sans motif. Les kimonos unis peuvent se porter à l'occasion d'événements variées (cérémonies, visite au sanctuaire, pratique des arts traditionnels, deuil ou demi-deuil et dans ce cas, ils sont noirs, gris, marron ou violet clair) et sont très pratiques.