"Comme elle tournait le coin de la rue, elle vit venir à elle une geisha habillée en costume de soirée, le long kimono d'apparat retroussé et le bord du jupon rouge flottant au vent du soir."
Nagaï Kafu, "Voitures de nuit"

Les vêtements portés sous le kimono sont le juban, le susoyoke porté sous le juban et les sous-vêtements (hadagi) proprement dits. Le juban a presque la même forme qu’un kimono et il est l’équivalent des combinaisons ou des jupons que l’on peut porter sous une robe. Il protège du froid, se porte par-dessus les sous-vêtements et sous le kimono et fait partie de la tenue traditionnelle des hommes et des femmes. Il peut être doublé (entièrement ou partiellement) ou non.
L’origine du mot
juban est portugaise (gibao).
Au milieu du 16e siècle, le christianisme s’implanta au Japon avec la venue de François-Xavier. En 1582, une ambassade de quatre jeunes japonais fut envoyée à Rome et c’est 8 ans plus tard, au cours de leur voyage de retour, lors d’une escale à Goa, qu’ils reçurent en présent des « 
jibao ».
Le « jibao » était alors une chemise de corps assez courte qui permettait aussi de fixer les fraises, sorte de collerettes blanches très en vogue à l’époque. Ces chemises furent très vite adoptées par les Japonais non sans avoir été judicieusement adaptées pour pouvoir être portées avec un
kosode.
Avant cela, on appelait sous-vêtement (
shitagi) le kosode porté à même la peau (hada kosode).

A l’origine, le juban était un han juban, c'est à dire un juban court. C’est seulement à la fin du 17e siècle (dans les années Genroku) que les courtisanes des quartiers de plaisir commencèrent à porter des juban longs (naga juban ), rouge écarlate en soie, en chirimen, en satin... qui pourraient s’apparenter à la lingerie fine portée de nos jours. La mode se répandit rapidement auprès des femmes qui souhaitaient apporter une touche de couleur sous leurs kimonos sobres et austères, en vogue à l'époque.

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Estampe de la série "100 Belles femmes associées à des lieux célèbres d'Edo. Hori no uchi, Soshido", Utagawa Kunisada I et Utagawa Kunihisa (1857).
Au cours de l'époque d'Edo, la vague
iki avec ses couleurs sobres et ses motifs discrets constituait la norme et dominait la mode. Toutefois, les teintures rouge écarlate utilisées pour les sous-vêtements féminins (juban, susoyoke…) étaient répandues. Le kimono austère de cette jeune femme mariée qui se rend au sanctuaire est délibérément ouvert pour montrer la doublure bleue du kimono, ornée de fleurs de prunier ainsi que le juban rouge à motif fleuri. Les kimonos de l'époque se portaient plus amples qu'aujourd'hui et la vue des sous-kimonos colorés apportaient non seulement une touche colorée mais permettait également de cacher la vue de jambes nues qui auraient pu se voir à tout moment.

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Estampe de la série "100 Belles femmes associées à des lieux célèbres d'Edo. Somei", Utagawa Kunisada I et Utagawa Kunihisa (1857).
Cette jeune fille accroupie sur l'engawa rentre d'une promenade au jardin de chrysanthèmes de Somei. Elle a défait son obi et se nettoie les pieds avant de rentrer. Le kimono du dessus avec ses couleurs sombres est ouvert et l'on aperçoit le kimono du dessous, bleu à motifs animaliers ainsi que le tissu rouge du juban, orné d'un motif shibori fleuri. Si le juban pouvait être vu, ce n'était pas le cas du yumoji, un sous-vêtement mi-long (sorte de pagne) porté à même la peau et enroulé autour des hanches jusqu'à la période d'Edo. Les femmes le portaient aussi lors du bain.


Dans les années 1830-44, on appliqua au juban les mêmes techniques tinctoriales que celles des kimonos. La richesse et la variété des tissus, des motifs et des broderies s’amplifia à partir de la fin du 19e siècle. Mais avec les restrictions imposées par la seconde guerre mondiale, la promulgation de la loi somptuaire du 7 juillet 1940 interdit la fabrication des luxueux kimonos et juban.
Apparurent alors de judicieux montages: on recycla les juban d’autrefois en utilisant la soie seulement pour les parties visibles (manches, col) alors que la partie invisible était confectionnée dans des matières textiles ordinaires (mousseline de laine).

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Soie, teinture shibori, grues et paulownia

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Recyclage et astuces

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Teinture shibori et boîtes à coquillages

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Grues en origami et fleurs de prunier

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Fleurs de pruniers, bambou, chrysanthèmes et shibori

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Teinture shibori et vagues seigaiha

Avec la fin du conflit, l’industrie textile se remit en marche mais les matières principales utilisées restaient encore la laine et la mousseline de laine. C’est à la fin de l’année 1945 que les régions nord du Japon commencèrent à produire une sorte de soie satinée (kita-rin) qui remporta un vif succès. Ces tissus unis puis teints dans des tons pastels furent en vogue dans tout le pays. Les techniques de tissage et de teinture élaborées et coûteuses d’avant-guerre réapparurent dans les années 1960.

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LES STYLES DE JUBAN

Les juban s'adaptent aux saisons et aux occasions tout comme les kimonos. Le choix du tissu, des motifs et des couleurs est parfois imposé sans oublier l'importance des faux-cols.
La soie (satin, soie
chirimen, taffetas) est un tissu le mieux adapté aux occasions formelles. Elle est efficace par temps froid et absorbe l'humidité. Facile à porter, elle a aussi l'avantage de ne pas être sujette à l'électricité statique et ne "colle" pas au kimono.
Les fibres synthétiques (de type polyester) offrent une grande variété de matières, de qualité et de prix. Certains tissus peuvent passer pour de la soie et sont portés avec des kimonos formels. Les matériaux bon marché sont à éviter en raison de l'électricité statique qui rendra votre tenue inconfortable et peu élégante.
Les
juban en mousseline de laine sont efficaces contre le froid et sont réservés aux tenues casual tout comme les juban en coton, confortables et efficace par temps humide.

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Un juban blanc uni est de règle avec un kimono de cérémonie kuro-tomesode, un irotomesode, et un kimono noir de deuil pour des funérailles.

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Avec un kimono habillé (hômongi), un juban en soie (satin, chirimen) aux teintes pastels et motifs ton sur ton est recommandé. Le col est blanc.

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Juban coloré ou à motifs et faux cols fantaisie qui s'adaptent aux kimonos du quotidien ou vintage.

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Le juban awase est entièrement doublé et se porte de décembre à mars. Seule la doublure des manches est faite dans le même tissu que le juban. Le reste du juban est doublé d'un tissu adapté aux doublures. Autrefois, quand les intérieurs n'étaient pas chauffés, il avait une fonction de sous-vêtement d'hiver. De nos jours, les maisons étant mieux chauffées, un nouveau type de juban plus adapté et plus confortable a fait son apparition: seules les manches sont doublées, le reste n'est fait que d'une seule épaisseur. Les occasions de porter un kimono doublé sont donc moins fréquentes mais il reste toutefois mieux adapté avec un kimono formel ou officiel.

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Le juban hitoe ne comporte aucune doublure et se porte traditionnellement en mai-juin et en septembre-octobre mais de nos jours il est souvent porté tout au long de l'année avec un kimono du quotidien.
Il est facile à porter et conçu avec le moins de plis possible afin que la chaleur corporelle circule mieux.
Les matières employées sont la soie, l'étamine de laine et toute la gamme des nouvelles matières synthétiques (polyester, la viscose et autres fibres mélangées), très agréables à porter dont les plus chères peuvent facilement passer pour de la soie. De plus, ces matières fluides et soyeuses avec peu d'électricité statique permettent au kimono de glisser sans "coller" lors de la marche.

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Le juban d'été léger n'est pas doublé et parfaitement adapté aux étés chauds et humides. Il se porte de la mi-juin à la mi-septembre. Les tissus utilisés sont les différentes soies ajourées (ro et sha), le lin et les autres tissages aérés adaptés.

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Le juban à manches longues se porte avec un furisode.
Pour la cérémonie de la majorité, c'est la jeune fille qui choisit elle-même couleurs et motifs, mais si vous êtes invitée à un mariage, mieux vaut adopter un style modeste et formel et choisir une couleur pastel.

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Une variante du juban long se présente en 2 parties séparées: une chemisette à manches longues et une sorte de jupon droit (susoyoke) porté très près du corps. Dans ce cas également, les tissus sont adaptés et confortables (souvent la chemisette est en coton fin et le jupon et les manches dans un autre tissu plus élégant).

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Comme son nom l'indique, le uso-tsuki juban (juban menteur) a un truc: les manches longues indépendantes s'adaptent sur une chemisette (cousues ou avec pression). Le tissu de ces manches est souvent recyclé à partir de tissus de kimonos ou de juban anciens. Grâce à cette astuce, il est alors possible de changer les manches aussi souvent qu'on le souhaite. L'illusion est parfaite. Notez qu'ils ne se portent jamais avec des kimonos de cérémonie.

KOMONO 小物, PETITS ACCESSOIRES

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Le erishin est un accessoire semi-rigide qui se glisse directement dans le faux-col du juban pour lui donner une meilleure rigidité et un bel arrondi régulier afin de mettre la nuque en valeur. Les modèles varient selon les saisons.

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Le han-eri est un faux-col cousu sur le juban qui va donner du relief à la tenue. Les nuances infinies de coloris, les différentes matières ou les broderies s'adaptent au type de kimono et peuvent en faire un accessoire de luxe.

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Pour fermer le juban (et le kimono), l'indispensable koshihimo, cette ceinture étroite en coton (ou mousseline de laine...) très simple d’environ 3-4 cm de large qui se noue autour de la taille afin de le maintenir fermé. Son rôle est important car elle va déterminer la longueur du kimono.

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Une autre ceinture en soie, un peu plus large (env 8 cm), le datejime se noue par-dessus le koshihimo et constitue un maintien efficace. Des variantes en mousse et polyester, souple avec fermeture Velcro sont très pratiques.

L'entretien d'un juban est plus facile et moins onéreux que celui d’un kimono même s'il vaut mieux éviter de laver soi-même un juban en soie qui risquerait de se déformer, de rétrécir ou de se décolorer, surtout en ce qui concerne les juban vintage. Il s’agit surtout de protéger le kimono de tout contact direct avec la peau.
De plus, le seul changement de couleur ou de motifs du col amovible redonne un coup de neuf à l’ensemble de la tenue. Grâce au
juban, le tissu du kimono tombe mieux et glisse plus facilement avec les mouvements ou à la marche.
Le juban n’est visible qu’au niveau du col et de l’ouverture des manches, c’est peu mais c’est LA touche colorée et élégante qui change tout (pour les
juban féminins en tout cas, car les manches des kimonos masculins sont fermées).

HAN-ERI 半衿, LE FAUX-COL

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Le faux-col fait partie des ces petits accessoires (komono) qui apportent une touche personnelle et embellissent votre tenue. Il se fixe sur le col du juban et non pas du kimono comme on le lit trop souvent, et de ce fait, il protège le col du kimono. Les faux cols les plus communs sont blancs dans des matières variées. Couleurs et motifs s'accordent avec la saison et l'occasion (TPO, time-place-occasion).
Le matériau le plus utilisé est la soie pure mais elle a tendance à jaunir avec le temps. Ces dernières années, la soie et les fibres synthétiques lavables sont devenues populaires, car elles sont faciles à entretenir.
Le
shioze est une sorte de taffetas lisse qui se porte de préférence en automne et au début du printemps.
Pendant les mois les plus chauds de l'été, les faux-cols en soie ajourée de type
ro ou en lin s'accorderont parfaitement avec les kimonos légers et apporteront un peu de fraîcheur.
La soie
chirimen est une sorte de crêpe assez épaisse avec un aspect en relief et se porte de préférence en hiver avec des kimonos en soie tsumugi.
Ci-dessous, quelques exemples de combinaisons courantes de faux-col et kimono.

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FURISODE

Soie shioze blanc uni, avec broderies blanches sur fond blanc possibles.

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FURISODE MARIAGE

Soie shioze blanc uni ou avec broderies blanches, dorées ou argentées.

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MARIAGE,FUNÉRAILLES

Soie shioze blanc uni avec broderies blanches ou de couleurs claires. Le blanc est la couleur des mariages, des funérailles (blanc uni) et des cérémonies du thé.

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KIMONOS OFFICIELS

Avec un kimono kuro-tomesode, iro-tomesode, hômongi: soie shioze blanc uni, crêpe de soie blanc (chirimen) uni ou avec broderies blanches

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KIMONOS HABILLÉS

Avec un kimono coloré uni (iromuji) ou un kimono tsukesage: soie shioze blanc uni, crêpe de soie chirimen, ro-chirimen, blanc uni, brodé ou coloré.

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KIMONOS HABILLÉS

Avec un kimono teint edo-komon ou tissé tsumugi,
soie
shioze blanc uni, crêpe de soie chirimen, soie ro, lin, broderies colorées sur tissu blanc ou broderies sur tissu coloré, tissu à motifs etc.

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KIMONOS CASUAL

Avec un kimono du quotidien teint komon ou tissé casual tsumugi,
soie
shioze blanc uni, crêpe de soie chirimen, soie ro, lin, broderies colorées sur tissu blanc ou broderies sur tissu coloré, tissu à motifs etc.

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KIMONO ÉTÉ
Donner une impression de fraîcheur avec soie
ro ajourée, lin, dentelle, couleurs etc…

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